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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/65

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

Chevalier de Lorimier. Le soir, son confesseur vint le voir et demeura seul avec lui pendant une heure, durant laquelle je me retirai dans le corridor. En sortant de ce sublime tête à tête du chrétien repentant avec l’homme du pardon, De Lorimier était calme, sa figure semblait même respirer une douce gaieté. Nous fûmes de nouveau renfermés ensemble : je priai avec lui une partie de la nuit, puis nous nous endormîmes paisiblement l’un à côté de l’autre.

Le matin je le trouvai tranquille et reposé ; il pria longtemps, puis il me parla longuement de sa femme et de ses enfants, il les confiait à la Providence : c’est à peine si je pouvais répondre à sa parole si touchante, si résignée, si chrétienne, tant l’émotion me dominait.

Lorsque les cellules furent ouvertes, le matin à l’heure ordinaire de dix heures, tous les regards se tournèrent, avec un intérêt mêlé de tristesse, vers les deux victimes que le jeune Guillaume Lévêque, compagnon de cachot d’Hindenlang, et moi compagnon de Lorimier, conduisîmes par le bras vers les groupes discrètement formés de nos camarades d’infortune. De Lorimier était résigné et digne, Hindenlang, courageux et bruyant. Je préparai quelque chose pour notre déjeuner ; mais De Lorimier mangea peu. Il se promenait d’un pas mesuré dans le corridor et souvent nous parlait de sa femme qui devait le venir visiter dans l’après-midi ; il redoutait cette entrevue pour son infortunée compagne.

Vers les trois heures de l’après-midi, madame