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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/74

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

nous dit-on, à des ordres formels reçus d’Angleterre, les procès politiques et les condamnations à mort ne cessèrent pas.

Nous passâmes encore quelque temps sans apprendre de nouvelles de notre sort futur : quand je parle de nouvelles, je veux dire des on dit ; car le gouvernement ne nous faisait signifier son bon plaisir, pour l’exil ou la potence, que quelques heures d’avance.

Au mois de Juin, nous fûmes informés qu’il était bruit que les condamnations à mort avaient été ou allaient être commuées en sentences de déportation à vie. Pour ma part j’étais résigné à tout ; nous avions contracté presque l’habitude du malheur, et nous ne pouvions guère être plus mal que nous n’étions, croyions-nous alors. Nous nous trompions.

Nous continuâmes donc d’occuper la prison de Montréal, ne recevant du gouvernement que du pain et de l’eau, mais généreusement secourus par nos compatriotes, et renfermés tous les jours dans nos cachots de quatre heures de l’après-midi jusqu’à dix heures du lendemain de chaque jour.

Mes bons vieux parents vinrent me voir plusieurs fois dans le cours de ma détention. Ma pauvre mère, quoique bien affligée, était moins affectée de la perspective de mon exil que de celle de ma mort. Elle me disait :

— « Tu reviendras. »