La coupole commence dès le sommet de la porte d’entrée ; celle-ci porte une inscription moderne indiquant le nom du regard. L’on descend par un élégant escalier à double rampe composé de vingt marches, contournant les parois de l’édifice pour venir aboutir à l’entrée de l’aqueduc et laissant la partie centrale occupée par un bassin circulaire dans lequel se fait l’écoulement monotone des trois pierrées de tête placées sur l’une des sources de l’ancien ruisseau de Ménilmontant.
Sous la porte d’entrée et entre les deux rampes se trouve l’inscription suivante gravée sur une plaque de marbre noir de 1 m. 32 c. de longueur sur 0 m. 80 c. de hauteur :
LAN 1613 Me Gaston de Griev Sr de St
Avlbin Concr dv Roy en sa covr de Parlemet
Prevost Nicolas Povssepin Sr de belair
Concr dv Roy au Chastelet Iehan Fontaine
me des œvvres des bastiments dv ROY, robert
Desprez Sr de Clamar Advocat en Parlement
Clavde Meraylt Sr de la Fossee Concr dv Roy
avditevr en la chambre des comptes esche-
vins. Ce grand Regard a ete paracheve
Leqvel fvt commance dv temps de Me
Estienne de Nevilly lors Prévost. Iehan
Povssepin, Denis Mamyneav, Antoine
Hvost, et Iehan Delvinez, Eschëvins
1583
Une autre inscription en pierre de liais de 0 m. 40 c. de largeur sur 0 m. 52 c. de hauteur, et qui est placée en face de la porte d’entrée, immédiatement au-dessus de la tête de l’aqueduc, porte la date de 1457. C’est la plus ancienne indication de l’origine de ces ouvrages :
- entre les mois bien me remembre
- de may et celui de novembre
- cinquente sept mil quatre cens
- qu estoit lors prevost des marchens
- de paris honnorable homme
- maist mahieu qui en somme
- estait surnommé de Nanterre
- et que galie maistre pierre
- sire philippe aussi lalement
- le bien publique fort amans
- sire michel qui en seur nom
- avait d’une granche le nom
- et sire jacques de baqueville
- le bien désirans de la ville
- estoient dicelle estchevins
- firent trop plus de iiiixx
- et xvi toises de cette œuvre
- refaire en brief temps et heure
- car si briefment on ne leust faic
- fontaine tarie estoit.
La première et la dernière lettre du 9e vers sont cachées par les pattes de fer qui fixent la plaque. Cette inscription a été inexactement reproduite par Corrozet et par Girard, qui ont rectifié l’orthographe et mis des majuscules en tête des vers.
Il est très certain, et la plaque de marbre noir de 1613 le fait aisément comprendre, que l’inscription de 1457, si curieuse et si documentaire, puisqu’elle est antérieure aux premiers registres des délibérations de la Ville, commencés seulement en 1499 — après le désastre du pont Notre-Dame, — a été mise à la place où elle se trouve actuellement au moment de la reconstruction monumentale du regard de la Lanterne ; elle était certainement placée antérieurement, soit dans l’aqueduc lui-même, soit dans l’édifice qui a précédé la Lanterne.
L’intérieur de ce regard est bien digne de l’importance que l’on voulait donner à l’ouvrage tout entier. L’apparence massive de la construction est atténuée par des ouvertures et fausses baies prises dans l’œuvre qui sont des modèles de stéréotomie. En sorte que cette énorme maçonnerie qui caractérise tous les autres regards prend à la Lanterne une allure élégante, où l’on sent la marque d’un artiste qui a produit un travail bien personnel n’ayant de comparable que la conception de certains jubés d’églises de la même époque.
L’aqueduc a été parcouru sur une longueur de plus de cent mètres. C’est une construction magnifique, dont les dimensions et le développement ne peuvent être expliqués que par l’intérêt utilitaire qu’on lui reconnaissait ; l’on peut le parcourir sans fatigue ; sa hauteur à l’entrée est de 1 m. 72 c, elle atteint 1 m. 92 c. dans la plus grande étendue ; la largeur moyenne est de 1 m. 18 c. Les parois latérales sont bâties de fortes murailles de 0 m. 80 c. à 1 mètre d’épaisseur. Le toit est formé par des dalles de 0 m. 20 c. à 0 m. 25 c. d’épaisseur ; le radier est également formé de dalles épaisses ; au milieu on a ménagé une minime rigole de 0 m. 5 c. de creux sur 0 m. 25 c. de large qui suffisait largement à l’écoulement de l’eau.
L’utilité de la conservation de l’aqueduc se démontre par le suintement continuel d’innombrables infiltrations qui seraient peut-être un désastre pour le quartier si le vaste drain que constitue l’aqueduc venait à être supprimé.
La délégation a été unanime à constater que le regard de la Lanterne, avec ses curieuses inscriptions, son admirable travail de construction et son aqueduc resté actif en raison du débit des trois pierrées de tête, est un ouvrage des plus intéressants et qui mérite le classement comme monument historique.