Page:Procès-verbal de la Commission Municipale du Vieux Paris, 1898, 8.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mification. Rien, néanmoins, ne pouvait indiquer s’il y avait bien là les restes de Chamousset.

En présence de choses si dépourvues d’authenticité, on résolut de poursuivre les recherches par la visite d’autres caveaux. On descendit dans celui situé sous la chapelle. Sainte-Anne, où une inscription, qui n’est autre que l’épitaphe du poète Santeuil composée par Rollin, rappelle la mémoire de celui qui, sous Louis XIV, ilustra nos monuments publics de ses vers latins. Nous ne vîmes dans ce caveau qu’un cercueil de plomb éventré, laissant apercevoir un squelette assez bouleversé. Mais, vu l’heure avancée de la journée, on remit à huitaine la continuation des fouilles.

Enfin, hier mercredi, ces fouilles furent reprises avec une nouvelle ardeur. On commença par le caveau de la chapelle Saint-Charles-Borromé, pensant y retrouver les sépultures du peintre Charles Lebrun et de sa mère ; mais le caveau était vide ; quelques ossements épars sur le sol parmi des ordures et des décombres s’offrirent seuls aux regards des visiteurs. Que sont donc devenus les restes de Lebrun ?

Sur cette déconvenue, on fit de nouveau rouvrir le caveau de la chapelle Sainte-Anne ; puis, à l’aide d’une hachette on parvint à ouvrir le cercueil de plomb qu’on avait déjà remarqué à la visite précédente. Peut-être contenait-il les restes de Chamousset ? Ce cercueil consistait en une double enveloppe de plomb. En soulevant la première enveloppe on aperçut, sur la deuxième, ces mots gravés au burin en lettres capitales : « Jean-Bapte Santeuil ». Le squelette entrevu précédemment fut enfin mis à découvert ; il était entier mais brisé. On était bien en présence des restes de Santeuil ; procès-verbal en fut dressé sur-le-champ. M. Jules Périn, qui assistait à ces opérations, s’empressa de rappeler aux personnes présentes que l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet ne reçut la dépouille de Santeuil que le 16 février 1818. Ce chanoine, mort à Dijon en 1697, avait été transporté à l’abbaye de Saint-Victor de Paris, dont il était religieux et où ses restes ont reposé jusqu’au moment où l’Entrepôt des vins fut construit. Déposé provisoirement dans l’église Saint-Paul-Saint-Louis, le corps de Santeuil fut définitivement placé à Saint-Nicolas-du-Chardonnet avec l’épitaphe tracée par l’élégante plume de Rollin.

Il est peut-être bon de rappeler aussi que, contrairement à une calomnieuse légende, Santeuil n’est pas mort empoisonné pour avoir bu un verre de vin dans lequel on aurait jeté du tabac d’Espagne ; selon Saint-Simon, c’est M. le prince de Bourbon qui, par plaisanterie, y aurait versé sa tabatière. Il a été prouvé par M. de Lescure que le prince était à ce moment loin du lieu où mourut Santeuil ; et l’on sait par le président Bouhier, qui voyait le poète tous les jours et à toute heure, que sa mort eut une cause toute naturelle.

Il faut avouer que, pour un instant, le souvenir de Chamousset pâlit quelque peu en présence des restes de Santeuil. En revanche, pour honorer l’un, ne venait-on pas d’achever de détruire la sépulture de l’autre ? On convint néanmoins de ne pas s’en tenir là et d’ajourner à la semaine suivante la continuation des-recherches entreprises.

Mais est-il bien nécessaire de poursuivre de semblables investigations ? Quels qu’en soient le mobile et le résultat, est-il vraiment de bon goût de troubler ainsi la paix des tombeaux ? En vertu de quel droit autorise-t-on ces profanations ?

Nous ne saurions non plus terminer ce compte-rendu sans insister sur l’état d’abandon et de malpropreté dans lequel se trouvent les caveaux de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, sans demander aussi à la Commission du Vieux Paris de vouloir bien appeler l’attention de l’Administration sur cette situation déplorable, au nom de l’hygiène publique aussi bien que des convenances.

Signé : Charles Sellier. »

M. le Président appuie les conclusions du rapport de M. Ch. Sellier et pense qu’il faut appeler l’attention de l’Administration sur les faits qu’il signale.

M. J. Périn dit que le curé a l’intention de réunir les ossements dans un petit charnier. Il propose la nomination d’une Commission qui serait chargée d’étudier la question.

M. le Président répond que c’est à l’Administration à faire le nécessaire.

M. Jules Périn ajoute à la communication de M. Ch. Sellier qu’il a été convié d’assister aux explorations des caveaux de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet.

À propos des restes de Jean de Santeuil, chanoine régulier de l’abbaye Saint-Victor, célèbre poète latin (hymnes sacrées de la liturgie parisienne), M. Périn fait connaître qu’il mourut à Dijon le 15 août 1697, à l’âge