Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 1, 1857.djvu/64

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faire connaître ce qu’il renferme : il faut qu’il revive dans toute sa vérité et sa fraîcheur primitives, qu’il ne perde aucun des caractères qui font sa gloire et constituent sa physionomie particulière. Or, le travail et la bonne volonté ne suffisent pas pour doter une langue de ce qui contribue à l’illustration d’une autre. Il doit y avoir entre le traducteur et l’auteur, une communication intime, un rapport constant. Il faut qu’ils se confondent dans les mêmes pensées, et vivent des mêmes sentiments. Si le génie de l’un s’élève, s’il se plaît dans des combinaisons ou des inspirations fécondes par la grandeur ou par la grâce, s’il se plie aux nuances les plus tranchées, comme aux plus délicates, il faut que son interprète ait assez de force et de souplesse pour le suivre, assez de goût pour l’apprécier, une connaissance assez profonde de la langue dont il se sert, pour lui emprunter toutes ses ressources et les mettre à la disposition d’une création étrangère. C’est parce qu’il est difficile de réunir toutes ces conditions, qu’il y a si peu de traductions vraiment estimables, et dignes d’une attention sérieuse.

Mais la difficulté augmente quand il s’agit d’un poète. Un historien, un philosophe, un orateur même, peuvent se retrouver, sinon complètement, du moins sans différences essentielles, dans une version tentée par un esprit cultivé, par une imagination riche et brillante. Quand la pensée a été comprise, la forme se calque d’elle-même et sans trop d’efforts sur la phrase originale. Mais la poésie, quelque puissante que soit son action, comme accent de l’âme, comme grande et puissante création, doit son éclat et son charme à quelque chose d’insaisissable dont l’expression ne porte pas toujours la trace. Comment traduire ce qui pénètre d’admiration, mais échappe à l’analyse ?

Cependant, malgré les difficultés, les tentatives ont été nombreuses dans tous les temps et chez tous les peuples. C’est que la traduction répond à un besoin des intelligences. Si « le vrai sage est celui qui agrandit sa sagesse de toute celle qu’il recueille en