Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 1, 1857.djvu/67

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d’Auguste, des modèles de grandeur et de grâce, les esprits habitués à cette énervante délicatesse qui prépare la corruption, se plaisaient à reproduire les tableaux dans lesquels se jouait l’épicurien de bon goût. De nos jours, depuis P. Daru jusqu’à M. le comte Gabriel de Nattes, on ne compte pas moins de huit traductions en vers. Y a-t-il progrès de l’une à l’autre ? On ne pouvait pas l’espérer. Il n’en est pas des œuvres de l’art comme des combinaisons de la science. Ici, un progrès en amène un autre ; un résultat obtenu contient en germe des applications nombreuses ; et, ce que le génie a découvert, l’esprit vulgaire se l’assimile par le travail et le féconde par la réflexion. L’art, au contraire, vit d’inspiration et de spontanéité : il est nécessairement inégal dans ses productions, et se montre rebelle à la loi du progrès qui domine les œuvres d’intelligence et de raisonnement.

Le siècle d’Auguste revit tout entier dans les odes d’Horace. Cette époque glorieuse du génie latin s’y montre avec tous ses caractères de grandeur, de bon goût, de facile aisance, de douceur dans les mœurs, d’élévation dans les idées, et, — il faut bien le dire aussi, — d’indifférence religieuse, d’affaiblissement national, au milieu d’une espèce de restauration solennelle du culte de Rome et des Dieux. La vie est pour Horace une chose sérieuse ; car, à toutes ces folies, à ces égarements de la passion, vient toujours se mêler quelque chose qui ramène à la réalité, et, par la réalité, à une philosophie doucement grave, agréablement austère. La brièveté de la vie, l’incertitude du lendemain, la modération des désirs, l’égalité d’âme, la résignation, — si le mot n’est pas trop chrétien, — la condamnation d’une vie insolemment splendide et d’une richesse scandaleuse, occupent une large place, dans ses diverses œuvres, et se représentent à tout moment, sous toutes les formes.

Mais, au milieu même de sa gloire, il y a toujours pour l’antiquité païenne un côté faible, un point vulnérable. Que sont toutes ces vertus, et jusqu’où vont-elles ? À quel sacrifice peu-