Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/171

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suivant les caractères que donne à cette inspiration première, l’influence de leur civilisation.

Jusque-là, il n’est pas possible de penser qu’un peuple existe, sans produire des œuvres où se trouvent réunies l’action de la nature, comme puissance créatrice, et celle de la société, comme direction particulière imprimée à ces manifestations de l’esprit et du cœur.

Mais il faut encore embellir la nature ; il faut présenter la société sous un aspect qui approche de cet idéal que chacun de nous sent vivre au-dedans de lui, qu’il poursuit comme la réalisation de ses désirs les plus intimes, comme l’expansion la plus généreuse et la plus active de son âme, et auquel il compare les créations du génie et les œuvres de la médiocrité. Si la littérature reproduisait la nature telle qu’elle est, sans choix, et sans exclusion, elle ne ferait plus de distinction entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid ; le goût n’aurait pas d’action, la loi et l’accident se confondraient, et la littérature ne deviendrait jamais un art.

C’est ce qui est arrivé pour la plupart des peuples de l’antiquité ; et c’est une des causes par lesquelles s’explique leur infériorité, relativement aux peuples modernes.

Il en résulte que, chez les nations même les plus privilégiées, soit à cause de leurs conditions sociales, soit à cause du rôle qu’elles ont joué dans le monde, l’art, quand il avait pu naître, n’existait que pour quelques-uns, et ne s’adressait qu’à un petit nombre.

Nous nous obstinons à croire que le génie était parfaitement apprécié à Rome et dans Athènes. Nous oublions ainsi les dispositions du peuple, son état général d’ignorance, la nature de ses préoccupations, cette division constante qui formait sa vie politique, mais qui devait être si peu favorable à sa vie intellectuelle. Nous nous méprenons, d’un autre côté, sur le but des écrivains