Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/172

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qui ont fait la gloire de l’antiquité et sur la part qu’ils assignaient eux-mêmes à leur ambition, dans les suffrages de leurs contemporains.

Pindare dédaigne le peuple et déclare qu’il ne veut être entendu que des savants. Thucydide, que Cicéron se plaint de ne pas comprendre toujours, se réserve un auditoire choisi. Dans le dialogue de Cicéron sur l’orateur, Antoine dont on vient de louer l’habileté dans les lettres grecques, avoue qu’il ne saisit pas le plus souvent, le sens des philosophes et des poètes.

Or si ces faits, et bien d’autres qu’il serait facile de citer, sont vrais pour la Grèce et pour Rome, qui seules ont eu une littérature conservée après la chute de leur puissance, qui seules ont le glorieux privilége de présenter en elles, comme le résumé complet de ce que l’antiquité tout entière avait conquis par la patience et vivifié par le génie, est-il possible de croire que les peuples moins favorisés, et privés de ce précieux talent d’assimilation qui enfante des prodiges, soient arrivés à produire un ensemble d’œuvres animées de cet esprit général, soutenues par cette admiration intelligente, par cette espèce de participation qui unit si étroitement l’écrivain au lecteur, et devient le caractère le plus marqué, une des conditions essentielles de l’existence d’une littérature ?

Mais cette condition n’est pas seule : bien d’autres doivent s’y joindre. Une littérature se formera réellement, lorsque les procédés de l’art devinés et appliqués par le génie, auront été formulés par une de ces intelligences patientes et fermes, qui semblent jetées de distance à distance dans les siècles, pour constater le point où l’homme s’est arrêté dans la voie de ces découvertes successives qui lui livrent, un à un, les secrets féconds de la naturel et lui permettent ainsi de s’élancer plus loin.