Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 2, 1858.djvu/307

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Une objection peut être faite. Si Dieu a donné le langage à l’homme, il le lui a donné parfait. Sans doute, cela est vrai, si l’on considère l’homme dans l’état de perfection primitive qui a précédé sa chute : mais cette opinion devient fausse, si on l’applique à l’homme désobéissant et condamné. Ce que l’homme possédait par sa nature même, a été enlevé, obscurci ou affaibli, dès qu’il s’est révolté contre son créateur. Mais Dieu a voulu que l’homme déchu put essayer de remonter de son abaissement, et se relever de sa chute ; il a voulu qu’il conquît par le travail et par la lutte, tout ce qui lui avait été donné gratuitement, sans pouvoir espérer de redevenir ce qu’il avait été.

Il lui a donné l’intelligence ; mais qu’est l’intelligence livrée à elle-même ? Il lui a donné toutes les aptitudes, mais une aptitude n’est qu’une disposition qui reste stérile si on ne l’exerce pas. Il lui a donné toutes les productions de la nature, mais ne faut-il pas le travail pour les rendre utiles, pour les transformer, pour donner satisfaction aux diverses exigences de la vie ? Par conséquent, Dieu en donnant le langage à l’homme, a dû le lui donner dans les conditions qui suffisaient aux premiers besoins de son existence. À lui de l’étendre, de le perfectionner, de l’enrichir à mesure que ses conquêtes se multipliaient, et que sa pensée allait plus loin. Ce travail qu’il est facile de suivre dans toutes les langues consacrées par des ouvrages, a dû se produire dans la langue primitive, sans qu’elle perdit pourtant jamais le caractère qui devait la distinguer, et lui faire une place à part. Or, ce caractère est imprimé d’une manière évidente et ineffaçable, malgré les siècles, dans la langue hébraïque. Le sanscrit au contraire, ne se ressent nullement d’une pauvreté originelle, et tout en lui, constate un développement de civilisation qui a dû trouver son expression la plus haute et la plus positive dans la langue. Une religion fausse, une morale incomplète ou viciée n’empêchent pas le progrès d’atteindre à un certain point qui peut éblouir, mais sous lequel celui qui cherche de bonne foi la vérité, voit bien vite la faiblesse et l’in-