Page:Procès verbaux des séances de la Société littéraire et scientifique de Castres, Année 3, 1860.djvu/56

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 56 —

Sans doute, tout a son côté poétique. Le laid même trouve crédit. On n’a pour s’en convaincre, qu’à considérer quelques œuvres littéraires écloses à la suite du mouvement romantique, et certaines compositions artistiques qui n’ont pas reculé devant les scènes les plus repoussantes et les réalités les plus hideuses. Mais ce n’est pas dans des singularités qu’il faut chercher le vrai. Le beau en tout est toujours un peu sévère, a dit M. de Bonald. On le comprend, lorsqu’on suit le travail d’exclusion que doit faire l’esprit, pour arriver à donner au beau la forme par laquelle il plaît à l’esprit, non pas seulement d’une manière passagère, mais par les caractères véritables d’une forme inaltérable.

Est-ce à dire que le beau manque de souplesse et de mouvement, comme on n’a pas craint de le lui reprocher ? Non certainement. La variété est une des conditions essentielles de son existence ; la variété ne naît pas d’un mouvement irréfléchi, ni de brusques et singuliers rapprochements. Où trouvez-vous plus de variété que dans les bas-reliefs du Parthénon ? Et pourtant, dans un grand nombre de scènes de ce véritable poëme taillé dans le marbre, le caractère, l’attitude, le costume des personnages sont les mêmes. Chacun ne vit-il pas pourtant de sa vie propre, et ne trouve-t-on pas dans l’ensemble cette variété sur laquelle l’esprit se repose toujours avec plaisir ?

Ainsi, l’art ne doit pas être réduit au rôle inférieur qui résulterait pour lui de reproductions faites sans intelligence, sans goût et sans traditions. Il n’a de grandeur véritable et de beauté réelle, que par une sage inspiration, au service de laquelle il met une forme régulière sans raideur, pure sans recherche, et variée sans singularité.

Quels sont les éléments du daguerréotype ? Il a pour modèle la nature telle qu’elle est, et l’image qu’il produit est la représentation exacte de ce qui est. Il lui est donc impossible de modifier son œuvre, quelle qu’elle soit, par le goût et par l’inspiration. Si ses œuvres se généralisaient, il en résulterait évidemment une déviation du sentiment du beau. On s’habituerait bientôt à tous