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la question wagner depuis la guerre

pères, réclama pour cette musique italienne, l’ancienne, qui délicieusement exprimait en toutes ses nuances le génie latin ; quiconque ne s’inclina point avec des gestes de prière devant le Graal et son prophète, fut simplement déclaré indigne de vivre par une cour, haute et basse, où des pintades jeunes et vieilles, faisaient pendant à des grues vaguement couronnées. Et lorsqu’on parla de l’inconvenance d’un tel agenouillement, on entendit le chœur de ces volatiles chanter sans accompagnement des romances sur ce thème : l’Art n’a pas de patrie[1].

Eh bien ! le sentez-vous à présent qu’il a une patrie, l’art ? Qu’il est la fleur éclose dans l’âme d’un peuple ; qu’il est le résumé de ses aspirations, la synthèse de ses croyances, l’essence même de sa nationalité. L’avez-vous senti, vous, Belges, quand Louvain brûla ? L’avons-nous senti, Français, quand l’église de Saint-Remi s’alluma dans la nuit comme un cierge gigantesque. Nous nous sommes tournés vers ce bûcher, où se consumait l’art des ancêtres, l’art de notre nation, l’art qui est l’image même de la France. Nous avons tout compris, tout le grand mystère des nations rivales et pour jamais ennemies. Rien des Barbares, rien de leur littérature, de leur musique, de leur art, de leur science, rien de leur culture ne doit désormais souiller notre esprit, notre intelligence et notre cœur. Il faut que la France soit la France…. Messieurs de l’art sans patrie iront s’il leur plaît entendre du Wagner en Allemagne : tant pis pour eux si leur retour est accidenté.

On ne jouera plus du Wagner en France.


Les griefs articulés par M. Masson dans cette prose assez incohérente et de conclusion bien inattendue, se réduisaient en somme à deux, toujours les mêmes : droits considérables produits par les œuvres wagnériennes au détriment des auteurs français ; rancune

  1. L’Art sans patrie, dans l’Écho de Paris du 28 septembre 1914.