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la question wagner depuis la guerre

provient de ce que, à la seule exception des premiers théâtres d’opéra italien, il n’existe d’autres théâtres originaux que ceux de Paris, tous les autres n’en sont que des copies.

Paris est, entre les exceptions que je viens de citer, la seule ville au monde où ne soient représentées que des pièces écrites et disposées, dans leur ensemble, uniquement pour la scène sur laquelle elles se jouent[1]


Plus tard, il sera beaucoup plus violent ; mais jusqu’ici, il n’y a rien que de très mesuré dans le ton, comme dans les idées, qui sont celles d’un homme de théâtre écœuré surtout de la banalité des productions dramatiques de son pays. On ne voit poindre nulle part chez Wagner le Franzosenfresser, le pangermaniste, que M. Maurice Donnay, qu’on ne croyait pas trouver en cette affaire, dénonçait du haut de l’estrade des Concerts Lamoureux, le 28 mars 1915[2].

Dix ans se passent. L’auteur de Tannhäuser vient,

  1. VII, p. 35.
  2. « Tout le monde a été d’accord avec lui, rapporte le Journal des Débats, quand il a trouvé de l’inconvenance à jouer en ce moment l’auteur d’Une Capitulation. Le jugement qu’il a porté sur l’œuvre de ce grand musicien lui est personnel. Il en fait la figure et le symbole musical du despotisme et de l’impérialisme allemands. Il se peut qu’il ait raison. C’est seulement une singulière malecbance d’apparaître sous ces traits quand on a été proscrit comme révolutionnaire en 1848, de payer pour les Prussiens quand on est né en Saxe et qu’on a été protégé par un roi de Bavière, et, enfin, d’être le représentant de la domination brutale, quand on a, dans l’Anneau du Nibelung, condamné l’ambition sans amour, et, dans Parsifal, prêché le renoncemont, la simplicité du cœur et la charité, qui tient lieu de toute science. Mais enfin tout ce que dit M. Donnay, eût été parfaitement juste pour peu qu’il eût nommé M. Richard Strauss au lieu de Wagner et qu’il eût laissé à la vieille Allemagne l’auteur des Maîtres-Chanteurs. » (Journal des Débats, 30 mars 1915.)