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richard wagner et la france

on avait l’air, quant au reste, de n’avoir fait que recommencer en paix les représentations de ballet et d’opéra. Ils n’ajoutaient qu’une chose à leur restauration : la crainte de l’esprit allemand[1] ».

  1. VIII, p. 110. Wagner ne faisait ici que paraphraser le discours mis par lui dans la bouche de Hans Sachs, à la fin des Meistersinger.

    « L’Art ! s’écrie Hans, peut-être n’a-t-il pas gardé la noblesse et la distinction qu’il possédait à l’époque où, dans toutes les cours, l’exemple des princes même l’avait mis en honneur. Mais du moins, les impérieuses vicissitudes des années les plus difficiles, n’ont-elles pu l’empêcher de demeurer allemand et vrai… Prenez garde:il est des dangers qui nous menacent ; que le peuple et l’Empire allemands viennent à se disloquer, jamais plus un Prince, avec sa fausse majesté welsche ne saura comprendre son Peuple; et vous les verrez ici même transplanter, en pleine terre allemande, leurs frivolités welsches, avec leurs bourdes welsches… Honorez vos Maîtres allemands. »

    Or, le discours final de Sachs, ce « pamphlet » dirigé contre l’esprit français, au dire de M. Masson, Wagner en avait trouvé les éléments chez Sachs lui-même, trois siècles avant 70 :

    « La patrie allemande, unie et forte sous un empereur allemand de cœur, tel est le rêve politique de Hans Sachs » (Schweitzer, H. Sachs, p. 95). Wagner empruntait le mot « welsche » à Sachs lui-même, qui, de son temps, à Nürenberg, avait à lutter contre les ménétriers welsches (Welsche Spielleute), c’est-à-dire contre les Italiens (Ibid, p. 352).

    Il faut surtout voir, dans la pensée de Wagner, un appel aux princes allemands, en faveur d’un art allemand, et… de Bayreuth : plaidoyer pro domo. Aussi le poète-musicien attachait-il une grande importance à la signification de cette scène, dont les premiers auditeurs des Maîtres devaient se soucier fort peu. « Si la fatale et bruyante sortie (notamment du public du dimanche) se reproduit, — écrit-il à sa sœur, le 28 janvier 1868, après la première de Dresde, — ferme les yeux et suis seulement l’allocution finale de Hans Sachs. Si tu découvres alors, dans ses paroles, la véritable et grave signification de l’ensemble, enfin développée et exprimée avec toute sa portée… dis-moi donc ce que tu penserais de moi si j’allais, par pure complaisance, sacrifier à la grossièreté d’une partie du public (lequel m’arrive, il est vrai, sans que je l’aie invité), cette beauté, qui est un présent pour mes vrais initiés… Si le roi