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richard wagner et la france

Souvenirs sur Auber rédigés après la mort du vieux maître français, en octobre ou novembre 71. Ces différents travaux, par leur date, sont d’un intérêt exceptionnel pour le sujet qui nous occupe, et il est indispensable d’en citer quelques extraits si l’on veut connaître, à cette époque, la pensée de Wagner sur les Français et les Allemands. Voici d’abord pour le goût musical des Français :

Il semble que les Français soient incapables de pérorer sur la musique sans enfourcher, grâce à toutes sortes de délicieuses harmonies, le « Cygne de Pesaro » ou autres dadas mythologiques modernes du même genre, lit-on dans les Souvenirs sur Auber.

Il me semble que nous, Allemands, avons compris immédiatement, de façon plus nette, l’originalité de cette musique française d’opéra[1]

Un peu plus loin, ces observations d’ordre plus général :

Le caractère singulier de la culture parisienne a fait naître chez le Français une espèce de point d’honneur chatouilleux qui fait qu’il s’emporte jusqu’à écumer de rage quand on lui rappelle brusquement ce que cette culture cache avec art ; on a constaté qu’un Français éprouve souvent de la difficulté à se rappeler de soi-même une promesse qu’il a faite ; aussi entre-t-il en fureur lorsque nous la lui rappelons ; et le Français le plus jovial pousse les choses jusqu’à l’effusion du sang. C’est ainsi que le Français se moque volontiers lui-même de ses vices et de ses faiblesses, mais il éclate lorsque d’autres lui en font la remarque[2]

  1. X, p. 43. Les citations du tome X des Gesammelte Schriften sont indiquées d’après le texte allemand (2e édit. et suiv.).
  2. IX, p. 57.