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richard wagner et la france

Aussi pensa-t-il à différentes reprises à émigrer en Amérique, tout comme jadis, au moment où, désespéré de la vieille Europe, l’intervention seule d’un Louis II de Bavière avait pu le sauver. Il s’ouvrait de ce projet, un jour, au peintre Joukowski, qui terminait son portrait. C’était au début de mai 1880, à Naples : Wagner venait d’apprendre qu’une pétition contre la vivisection, déposée en fin de session au Reichstag, n’y avait pas même été prise en considération. Farouchement antivivisectionniste, la question, on le sait, lui tenait au cœur. Alors, il exprima soudain à Joukowski la désillusion que lui causait cet Empire allemand qu’il avait jadis appelé de tous ses vœux : « Que peut mon art, s’écria-t-il, en face de brutes aussi lâches ? » Et s’adressant vers le même temps à Hans von Wolzogen : « Il fait sombre dans mon cœur d’Allemand, lui confiait-il ; et je pense de plus en plus, moi et mes enfants, à quitter l’Empire allemand pour l’Amérique. Mais il doit avoir d’abord Parsifal : je suis décidé à ne plus dépendre des contingences extérieures, mais unique-


    aurait clairement vu qu’il y avait là une chose destinée à provoquer une manifestation particulièrement caractéristique de la part des pouvoirs publics de la nation, et que l’heureuse réalisation de cette entreprise serait un grand honneur national. Rien de pareil à ce que j’avais projeté et, en dernier lieu, entrepris avec confiance, grâce au concours d’amis enthousiastes, n’avait jamais encore été tenté : c’eût été essentiellement digne de l’appui de notre jeune gouvernement impérial qui ne pouvait inaugurer plus glorieusement son brillant règne, qu’en donnant l’appui le plus franc à un objet purement idéal et pour un motif purement idéal » ; d’autant plus, ajoute Wagner, que le gouvernement était, grâce à nos cinq milliards, « riche jusqu’au superflu par la clause du traité conclu avec son voisin vaincu ».