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la question wagner depuis la guerre

bien nos talents, et le devoir de leur mise en valeur nous devient une noble contrainte.

Nous savons où résident nos Barbares non-allemands : issus du suffrage universel, nous les trouvons dans le Parlement qui, sur toute chose, ne sait rien du siège de la force allemande[1].

Chez l’ancien révolutionnaire de 1848-49, la conception un peu mystique qu’il s’était faite alors de la royauté, et plus tard de l’empire, s’accordait mal avec la réalité d’un Reichstag qui n’avait rien compris à la création de Bayreuth. Jusqu’à ses derniers jours, Wagner devait lutter pour son idéal d’un art allemand, et désespérer finalement de vaincre les obstacles qui s’opposaient à sa réalisation. Sans doute, Bayreuth avait été inauguré, mais il ne devait pas rouvrir ses portes avant Parsifal

L’Allemagne impériale en laquelle il avait mis son espérance et dont on pourrait dire, retournant un mot célèbre, qu’elle lui semblait si belle… avant l’Empire, était loin de considérer Wagner comme une gloire nationale. « Je n’avais pas cru que vous auriez pu réussir », lui avait dit Guillaume Ier à Bayreuth[2].

  1. X, p. 130.
  2. X, p. 109. Cf. l’Œuvre et la Mission de ma vie (trad. Hippeou, 1884, pp. 77-78) :

    « S’il était arrivé en France, à l’époque de la plus grande gloire nationale, que, dans un cas identique, un artiste déjà dignement connu par ses œuvres, eût cherché à fonder une institution d’une haute importance nationale pour la conservation et l’encouragement de l’art le plus noble des maîtres de sa race, et eût demandé le concours de ses compatriotes, il ne peut être mis en doute que, en pareille occurrence, l’État aurait apporté tous ses soins à l’assister. En France, il y aurait eu au moins un tel degré de compréhension de son but, qu’on