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L’avent

sement dans les âmes. Entendez les craquements de l’univers à l’approche du juge redoutable ; voyez les cieux s’enfuir devant lui et se rouler comme un livre à sa vue[1]; soutenez si vous pouvez son aspect, ses regards étincelants ; regardez sans frémir le glaive à deux tranchants qui s’élance de sa bouche[2] ; écoutez enfin ces cris lamentables : Montagnes, tombez sur nous, rochers, couvrez-nous, et dérobez-nous sa vue effrayante[3] ! Ces cris sont ceux que feront entendre en vain les âmes infortunées qui n’ont pas su connaître le temps de la visite[4] ; et pour avoir fermé leur cœur à cet Homme-Dieu qui pleura sur elles, tant il les aimait ! elles descendront vivantes dans ces ardeurs éternelles, dont la flamme est si vive qu’elle dévore le germe de la terre et les fondements les plus cachés des montagnes[5]. C’est là que l’on sent le ver éternel d’un regret qui ne meurt jamais[6].

Que ceux-là donc que n’attendrit pas la douce nouvelle de l’approche du céleste Médecin, du généreux Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis, méditent pendant l’Avent, sur l’affreux et pourtant incontestable mystère de la Rédemption rendue inutile par le refus que l’homme fait trop souvent de s’associer à son propre salut. Qu’ils sondent leurs forces, et s’ils dédaignent l’Enfant, qui va naître[7], qu’ils voient s’ils seront en mesure de lutter avec le Dieu fort, au jour où il viendra non plus sauver, mais juger. Pour le connaître de plus près, ce Juge devant qui tout doit

  1. Apoc. vi. 14.
  2. Ibid. i. 16.
  3. Luc. xxiii. 30.
  4. Ibid. 19. 44.
  5. Deut. xxxii. 22.
  6. Marc. ix. 48.
  7. Is. ix. 6.