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LE COUPLE AU JARDIN

Le docteur, avec un visage de marbre, écoutait. Il écoutait, sans le moindre tressaillement, les erreurs, les misères, les efforts de son fils et sa profonde tristesse de s’exiler de nouveau en se séparant de son enfant.

Le plaidoyer aurait pu durer jusqu’au lendemain sans que le père eût un mot ou un geste pour l’interrompre. Lorsque Nérée se tut, c’est qu’il était à bout de forces et d’arguments.

Un court silence, puis la voix froide :

— Au fait, que voulez-vous de moi ? De l’argent, sans aucun doute. Depuis dix ans, Claude n’a jamais cherché à se rapprocher de moi que pour m’extorquer de l’argent.

Nérée fut blessé de cette réponse brutale.

— Votre fils, dit-il, n’a aucun besoin d’argent. Ce qu’il souhaite, c’est de vous revoir avant de retourner à son destin hasardeux, et c’est de vous faire connaître son enfant.

La main nerveuse eut un geste de refus.

— Je ne veux pas voir mon fils. Quant à l’enfant — né de quelle basse rencontre ? — il ne m’est rien.

L’attitude d’Ellinor, en ce moment, était propre à glacer le plus audacieux courage. Nérée osa pourtant insister :

— Est-ce que, vraiment, vous serez plus impitoyable que moi ?

— On voit bien que vous n’êtes pas le père de Claude !

— Je ne suis pas son père, mais… il a tué le mien.

— Vous gardez les illusions et la générosité de la jeunesse — que je n’ai plus. Et, surtout, vous êtes meilleur que moi. Mais Claude a épuisé tout ce qu’il pouvait y avoir en moi de bonté.