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YVETTE PROST

— Enfin, on se retrouve ! soupire-t-elle.

Nérée l’attire dans le large fauteuil rustique où l’on peut tenir deux en se serrant.

— Nous deux, on se retrouve toujours, dit-il. Heureuse ?

— Trop pour trouver les mots qui l’exprimeraient.

— De quelle pierre blanche marquerons-nous cette journée ?

— De deux perles pures : l’une pour le baptême de notre petite enfant, l’autre pour le succès de Claude.

— Ma chérie, ajoutons une perle noire.

— Une perle noire ?

— Pour la pensée de Mme Horsel.

En effet, le matin, pendant qu’on s’affairait aux préparatifs du baptême, est arrivé de Paris un léger envoi : c’est le livre de Diane Horsel, tout fraîchement imprimé, le livre où la conquérante aux mains vides traduit avec une mélancolie passionnée le sortilège des jardins de Pomponiana, chargés d’histoire, de poésie et d’humanité.

La page de garde porte une sobre dédicace : « Aux trois heureux, aux trois sages de Pomponiana. » Et c’est tout ce que l’on saura désormais de la femme sans foyer qui vint souffrir ici des dernières convulsions de sa jeunesse.

Blanche reste un moment pensive et murmure :

— Ta perle noire fut d’abord un charbon ardent.

— Ne regrettons rien. Il était peut-être nécessaire que Mme Horsel passât. Certains êtres pénètrent dans notre vie comme un ferment.

— Un microbe !

— Non, j’ai bien dit : un ferment ; capable de déterminer de mortelles décompositions ou de multiplier