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Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/180

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LE COUPLE AU JARDIN

les germes de vie. Si Mme Horsel n’avait pas traversé notre route, nous ne serions peut-être jamais descendus au plus profond de nous-mêmes et nous ne saurions pas de quel métal inattaquable est fait notre amour.

— Tu as raison. Et puis je suis persuadée que cette pauvre femme troublée emporta d’ici, sans en avoir conscience encore, une promesse d’apaisement, de sérénité, d’harmonie intérieure. Il ne se peut pas qu’elle ait passé là en vain.

— La dédicace de son livre le laisse espérer.

Ils se taisent et leurs deux pensées voyagent de conserve. Peut-être songent-ils qu’un grand amour est souvent l’œuvre d’un grand courage. Le leur, Blanche l’a audacieusement voulu, au prix de tous les risques ; et Nérée, aux heures difficiles, a su le maintenir plus haut que toutes les menaces.

L’heure est ineffablement suave et solennelle. Les rossignols ont fait silence dans le Bois Sacré d’Olbia ; le vent nocturne, à grands coups d’éventail, apporte l’âme de toutes les fleurs et, plus frais, les baumes de la forêt ; la voix assoupie de la mer n’est plus qu’un murmure amoureux ; le vaste éclair du phare de Porquerolles dit l’émouvante veille de l’esprit humain sur les éléments domptés.

Nérée et Blanche voient se dérouler devant eux la longue suite des années à venir. La ronde des saisons tournera selon son rythme immuable ; fête des mimosas et chant du rouge-gorge ; grappes de lilas et feuilles nouvelles aux figuiers ; puis les roses, les rossignols, la floraison capiteuse des pittospores et des orangers, la stridulation ardente des cigales ; puis les vendanges opulentes et la récolte des olives ; enfin, les brefs hi-