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LE COUPLE AU JARDIN

était-il possible qu’il y eût presque un quart de siècle ? — après avoir mis au lit un Nérée endormi sur ses genoux…

Avec précaution, il ouvrit la porte de la salle de bain, passa sous la douche. Le coup de fouet de l’eau fraîche, autre joie du matin…

En bas, dans la cuisine qu’emplissait l’arôme du café, Fine, la servante, chantonnait en patois toulonnais. Elle interrompit son fredon pour saluer Moussu Nérée avec une familiarité affectueuse qui n’excluait pas le respect.

Comme il poussait la porte de la salle à manger, deux bras tendres entourèrent son cou, une tête blonde se pressa contre son épaule.

— Bien dormi, mon aimé ?

— Trop ! Je ne suis qu’un gros sac de sommeil. Mais toi, petite fille jolie, pourquoi t’es-tu levée si tôt ?

— Pour m’occuper de toi. Pour être sûre que ton café soit bon, pour préparer moi-même tes tartines, qui ne te nourriraient pas si elles ne sortaient de mes mains !

Il la serra de nouveau contre sa poitrine, étroitement, comme si son cœur eût cherché le contact direct de cet autre cœur.

— Tu as raison, fit-il à voix basse : c’est de toi que je me nourris, c’est toi que je respire, toute ma vie n’est que toi !

Sur un napperon de couleur vive étaient disposés la cafetière fumante, les deux tasses, les toasts, les confitures d’airelles et un éclatant bouquet d’anémones. Le mari et la femme s’assirent face à face et se sourirent.