Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/156

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messager, il en devient comme propriétaire : tout ce qui concerne le transport, son mode, ses conditions, sa durée, tout ce qui peut survenir dans le voyage, ne regardent que lui. Entre le voiturier et l’expéditeur le contrat se résume en deux mots : la responsabilité absolue incombe au premier ; le fret à acquitter par le second. Il suit de là que le commerce, l’industrie et l’agriculture sont en général, pour tout ce qui concerne la circulation des produits, livrés à la merci des commissionnaires de transports ; il n’y a de répit ou d’adoucissement que pendant les guerres que lesdits commissionnaires ou entrepreneurs se font entre eux, et dont le public finit presque toujours par payer les frais.

Il est certain qu’aux époques malheureuses, quand les États sont en guerre, l’industrie faible, les voyages pleins de risques, les affaires difficiles, le contrat de garantie mutuelle entre une entreprise de transports et le public est à peu près impraticable ; toujours le commissionnaire et le voiturier, aussi bien que l’expéditeur et le commettant, préféreront garder leur liberté. Mais dans un pays comme le nôtre, où les affaires depuis des siècles se sont tant développées, où la circulation est si sûre, comment les entrepreneurs de transports n’ont-ils jamais su s’entendre avec le commerce ? J’ai pratiqué pendant dix ans la navigation intérieure, et je l’ai vue s’éteindre, sans qu’elle ait pu parvenir à s’organiser. Il a fallu en venir aux concessions par l’État des chemins de fer, au monopole inhérent à ce mode de transport, à la coalition des Compagnies, enfin, pour que l’on conçût la possibilité d’un pacte équitable et avantageux à tous l’es intérêts, dans le voiturage. Rien de plus simple, pourtant, que l’idée de ce pacte.