Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/155

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est-ce qui songe à adresser pareil reproche au propriétaire ? N’est-il pas, en quelque sorte, incorporé dans son immeuble ? Si ses conditions sont trop dures, on passe sans observation. Et du côté de l’État, quelle considération ! quels égards ! La police saisit et fait jeter les fruits verts, le lait mêlé d’eau, les boissons de fabrique suspecte, les viandes corrompues ; elle a des lois contre les accapareurs, les agioteurs ; elle sait, au besoin, mettre une limite à certains monopoles. Depuis une quarantaine d’années, le principe de l’utilité publique est venu apporter certaines entraves à l’abus de la propriété : mais que de précautions vis-à-vis de cette caste puissante, toujours traitée comme noble ! Quel soin de l’indemnité ! Que de propriétaires enrichis par l’expropriation, heureux que l’État ait jeté son dévolu sur leur héritage, comme un suzerain daignant abaisser ses yeux sur la fille de son vassal !…

Ces répugnances d’une époque saturée d’égoïsme, pétrie d’iniquité, nous allons les retrouver plus vives encore dans un genre d’industrie dont l’importance égale l’antiquité, sans que pour cela elle ait jamais été pénétrée du pur rayon du droit.

Quel lien de solidarité, conséquemment quelle mutualité établir entre le public et l’entrepreneur de transports ? Qu’on relise les art. 96 à 108 du Code de commerce, et l’on verra que le législateur, loin de chercher ici le lien de justice, n’a songé qu’à une chose, fonder la sécurité de l’expéditeur, en déterminant fortement la garantie ou responsabilité du voiturier. Ce sont comme deux mondes à part, qui ne communiquent qu’avec méfiance, et dont le rapport temporaire les laisse toujours l’un à l’autre étrangers. Le colis remis au