Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/169

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fut d’abord escomptée à l’honneur du gouvernement impérial, fut abandonnée : l’agriculture, elle, s’occupe maintenant de toute autre chose. Tout à l’heure nous rappelions que le total des hypothèques s’élevait à 12 milliards. Pour que le crédit foncier pût, à l’aise, rembourser ou convertir une pareille somme, il eût fallu qu’il réunît dans ses caisses, comme la Banque, le tiers au moins de ce capital en argent, soit 4 milliards de monnaie, servant de gage à 12 milliards de billets. N’est-ce pas du dernier ridicule ? C’est pourtant contre cette pierre d’achoppement que sont venues se briser, et l’habileté de nos financiers, et la science de nos économistes, et l’espérance de nos agronomes républicains !… Stupete gentes !

Il y a donc ici, comme partout, un triple abus à détruire, abus qui aurait dès longtemps disparu sans la sottise de nos faiseurs et la complicité de nos gouvernements :

Violation de plus en plus obstinée du droit économique ;

Prélèvement en pure perte, et toujours croissante, d’une partie de la richesse créée chaque année, sous forme d’intérêts ;

Développement d’un parasitisme effréné, et de plus en plus corrupteur.

Ainsi ce qui distingue les réformes mutuellistes, c’est qu’elles sont à la fois de droit strict et de haute sociabilité : elles consistent à supprimer les tributs de tout genre prélevés sur les travailleurs, sous des prétextes et par des moyens qui seront un jour prévus par les constitutions, et imputables aux Gouvernements[1].

  1. Une chose que nous ne devons pas omettre : Certains partisans de l’anarchie économique, fauteurs de la féodalité industrielle et mercantile, adversaires acharnés de l’émancipation ouvrière, affectent de demander avec instance ce qu’ils appellent la liberté des banques, ou la décentralisation du crédit ; comme ils ont demandé et obtenu ce qu’ils nomment libre échange, comme ils sont à la veille de demander la liberté de l’intérêt. À ce propos, ils ne manquent jamais de signaler le crédit mutuel comme un fait de centralisation, et de renouveler contre les partisans de la révolution économique l’accusation de gouvernementalisme. Est-il besoin de rappeler au lecteur que tout service public, organisé de manière à no coûter rien ou presque rien aux consommateurs, est un travail de collectivité agissant par elle-même et pour elle-même, travail par conséquent autant en dehors de la communauté que de la centralisation ? Que les banques publiques soient indépendantes les unes des autres, en chaque province, en chaque cité ; rien ne s’y oppose : la centralisation sera par ce moyen suffisamment brisée. Mais que l’on prenne pour liberté du crédit la liberté accordée à tout le monde d’émettre du papier-monnaie, comme on appelle liberté de l’intérêt la faculté d’élever l’escompte à 7, 8, 9, 10 et au delà, c’est un abus de langage destiné à couvrir une supercherie, et dans la science une contradiction. — Ce que nous venons de dire du crédit, nous le répéterons de l’assurance, des travaux publics, etc. Ne confondons pas l’œuvre collective, gratuite de sa nature, avec les produits de la centralisation, les plus chers et les pires de tous.