Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/195

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formulent, que les États se fondent, que les dynasties se consacrent, que les multitudes obéissent à des princes, à des assemblées, à des pontifes. C’est par horreur des déchirements, suite inévitable des discordes, que la police des gouvernements poursuit de ses méfiances et de ses colères l’investigation philosophique, et l’analyse hautaine, et la négation impie, et l’hérésie déicide ; c’est pour cette précieuse unité que les nations se résignent parfois à la plus détestable tyrannie.

Essayons de nous rendre compte, sans rien exagérer ni diminuer, de ce que c’est que l’unité.

Et tout d’abord observons que, comme il n’est pas de Liberté sans Unité, ou, ce qui revient au même, sans ordre, pareillement il n’est pas non plus d’unité sans variété, sans pluralité, sans divergence ; pas d’ordre sans protestation, contradiction ou antagonisme. Ces deux idées, Liberté et Unité ou Ordre sont adossées l’une à l’autre, comme le crédit à l’hypothèque, comme la matière à l’esprit, comme le corps à l’âme. On ne peut ni les séparer, ni les absorber l’une dans l’autre ; il faut se résigner à vivre avec toutes deux, en les équilibrant…

La question ici est donc de savoir, non pas comme le prétendent d’impuissants sophistes, si la Liberté sortira de l’Ordre, ou l’Ordre de la Liberté ; si nous pouvons nous en rapporter à celle-ci de la production de celui-là, ou si elle n’est elle-même que le dernier mot de la pensée organisatrice : l’Ordre et la Liberté n’attendent pas le concours ou la permission l’un de l’autre, ni de personne, pour se manifester. Ils existent, indissolublement liés l’un à l’autre par eux-mêmes, et de toute éternité. Il s’agit seulement de dé-