Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/199

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propres populaires, les jalousies d’État, ce sont les servitudes de toute espèce qui affligent l’esprit humain qui s’y opposent. Ôtez cette opiniâtreté des coutumes les moins justifiées, cette dévotion des masses à la routine, cette résistance machiavélique de tout pouvoir à ce qui vient d’ailleurs que de chez lui, et demain le système métrique sera décrété par tout le globe. Le calendrier russe est de douze jours en retard sur le soleil : pourquoi la Russie n’a-t-elle pas encore adopté la réforme grégorienne ? Ah ! c’est que le gouvernement qui l’essayerait, dans l’état actuel des esprits, courrait risque d’être regardé comme apostat…

Ainsi, l’unité des poids et mesures pourrait exister, et cela nonobstant la différence des noms, des marques, des types ou effigies ; et ce serait tout à la fois un pas vers l’unité et un accroissement de la liberté. De même pour l’unité des sciences : elle peut exister, et de fait elle existe, elle s’impose, malgré la différence des langues, des méthodes et des écoles ; on ne conçoit même pas comment elle n’existerait point : nouveau pas vers l’unité universelle, nouveau et puissant moyen de liberté. De même encore pour l’unité de morale, que toute raison proclame en dépit des distinctions de cultes, de coutumes, d’institutions, et dans laquelle toute conscience trouve aujourd’hui le gage de son affranchissement.

Tel doit donc être entre les humains, créatures raisonnables et libres, ou destinées à le devenir, le lien social, principe et fondement de tout ordre politique, en un mot, l’unité. Elle se constitue invisible, impalpable, perméable en tout sens à la liberté, comme l’air traversé par l’oiseau, et qui le fait vivre et le soutient.