Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/259

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qui gouvernait les hommes et les choses, ne comprenant pas qu’un sujet fidèle pût renier son maître, pas plus qu’un chrétien ne saurait renier son Dieu, le peuple, dis-je, siffla les ingrats et les traîtres ; leur mémoire en est restée entachée. Aujourd’hui, la logique révolutionnaire a achevé son œuvre : nous jurons tous, et nous nous parjurons ; cela passe, comme on dit vulgairement, ainsi qu’une lettre à la poste. Nous en sommes même venus à faire du serment, donné à contre-cœur et mentalement désavoué, un acte de vertu. Ces assermentés intrépides, dont on se moquait il y a trente ans, on en fait l’éloge en pleine académie. C’est qu’en effet, eussions-nous cent fois la certitude que ces lâches écoutèrent bien plus la voix de l’intérêt que celle du devoir, devant la contradiction du système le fait et le droit manqueraient toujours pour asseoir contre eux une accusation de parjure. Rien d’étonnant alors qu’après leur avoir donné en masse notre absolution, nous ayons fini par suivre leur exemple.

Suivons cette transformation étrange de nos mœurs publiques.

En vertu du plébiscite de 1851, Louis-Napoléon était donc chargé de donner une constitution nouvelle. Afin d’éloigner de son gouvernement les influences perfides, les personnalités ennemies, il fit du serment de fidélité à sa personne une condition d’admission à tous les emplois, notamment à celui de député. Évidemment l’auteur de la constitution de 1852 aura supposé que les hommes notables des anciens partis, ses ennemis naturels, ou refuseraient, en gens d’honneur, de s’engager par un tel serment, ou que, l’ayant prêté, ils le tiendraient.