Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/31

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Tout va s’expliquer maintenant, dans le présent et même dans l’avenir. D’abord, en 1848, le Peuple est loin d’avoir déduit de la connaissance de lui-même la notion de ses droits et de ses intérêts. Son idée ne lui a pas été révélée, bien moins encore avait-il appris à tirer de cette idée un système politique. Obéissant à son instinct de multitude asservie, il songe d’abord à se donner un chef : ce fut Louis-Napoléon. Telle la plèbe romaine se donnait César ; tels les esclaves révoltés s’étaient donné Spartacus.

Mais le rétablissement de l’Empire n’est pas une solution formelle : il s’est trouvé, par une fortune singulière, que le même Louis-Napoléon, représentant de la plèbe, fut choisi comme protecteur des intérêts bourgeois, conservateur de l’ancienne société, que la tendance de la plèbe moderne est évidemment de refondre. Or, il est aisé de voir qu’après douze ans d’attente la plèbe avait fait demi-tour. De même que la bourgeoisie, qui devient frondeuse et fait de l’opposition à ses princes constitutionnels chaque fois que ses intérêts sont en souffrance, cette plèbe s’est mise à faire de l’opposition à son élu. Nous en connaissons le résultat, sur lequel il importe actuellement de ne pas prendre le change.

Le Peuple, en votant en 1863 et 1864 avec une fraction de la bourgeoisie et donnant ses suffrages à des candidats bourgeois, n’a nullement entendu se rallier au système de monarchie parlementaire et faire acte d’opposition légale. Il ne veut à aucun prix de ce régime, vulgairement connu sous le nom d’Orléanisme. Aussi n’a-t-il point été dupe de l’intrigue qui avait pour but de faire de la constitution ou des institutions de Juillet une sorte de remaniement de l’empire, au profit de la famille Bonaparte et à l’exclusion des