Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/342

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Voulez-vous donc la connaître, ami lecteur, cette vérité si honteusement méconnue sur les rapports de la presse avec le Pouvoir, vérité que tous sentent en leur for intérieur, mais qu’aucun n’articule ? Eh ! bon Dieu, je viens, tout en discourant, à propos de la presse, du Pouvoir et de l’Opposition, de vous l’indiquer, et vous n’y avez pas pris garde : c’est qu’il y a incompatibilité radicale, essentielle, entre le système d’État unitaire que nous nous sommes fait, que tous nos gouvernements ont reçu la mission d’appliquer et de maintenir, que l’Opposition affirme, et l’exercice des droits que la Révolution nous a garantis, droit à la liberté, droit au travail et à l’assistance, droit à l’instruction et aux emplois, droit de se réunir et de s’associer, par-dessus tout droit de publier ses opinions par les voies de la presse.

Il y a, dis-je, en France, incompatibilité entre le système unitaire et la presse :

1o Du côté du Pouvoir, parce qu’en dépit des principes qui donnent la souveraineté à la nation le Pouvoir est en fait souverain, prétendant agir et se faire respecter comme tel ; qu’en sa qualité de souverain il est antipathique à l’examen, au contrôle, aux comptes-rendus, à toute discussion et critique de ses actes ; d’autant plus antipathique qu’on lui a donné plus de grandeur, que ses attributions sont plus multipliées, sa puissance plus envahissante et plus universelle, et que par là il se sent l’objet de plus de compétitions et de colères ;

2o Du côté de la presse, parce que, dans le système économico-politique dont elle fait partie, et qui sert de contre-poids au Gouvernement, constituée en anarchie et mo-