Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/432

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Or, quel est le but des coalitions ? Précisément de détruire la liberté commerciale, d’anéantir la concurrence, et de lui substituer, quoi ? la contrainte. Contrainte, lorsque, par l’accaparement des marchandises et la connivence des détenteurs, le commerce, auparavant multiple et libre, se trouve transformé en monopole ; contrainte, lorsque, par une convention secrète des entrepreneurs, les ouvriers, trop nombreux, pressés par le besoin, subissent une réduction de salaire ; ou bien lorsque, par une grève de leurs ouvriers, les maîtres doivent se résigner à leurs demandes. Dans tous les cas, il y a violation de la liberté commerciale, suppression de la garantie économique.

Mais toute transaction commerciale accomplie par l’un des contractants sous l’empire de la contrainte, n’est autre chose qu’une extorsion pouvant motiver une plainte et donner lieu à des dommages-intérêts : comment les auteurs de la loi nouvelle ne l’ont-ils pas vu ? La liberté dans les transactions humaines est-elle chose à leurs yeux si indifférente que l’État puisse, sans inconvénient pour les personnes et pour la société, avec avantage pour tous, au contraire, en délaisser la protection ? Se seraient-ils imaginé, par hasard, qu’en autorisant toute espèce de coalition, ils augmenteraient partout et d’autant la liberté, par suite la concurrence, et en définitive le bon marché et la richesse ? Ce serait de leur part la plus déplorable des erreurs. Là où le monde est livré à la contrainte ; où la force seule fait loi et droit, le travail est synonyme d’esclavage, le commerce est un pur brigandage, la société une caverne de voleurs. Ce n’est pas seulement