Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/458

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tes, tant qu’elle n’a été qu’une impulsion du cœur. Combinée avec les préoccupations de la politique, transformée en moyen d’influence, elle commence à n’être plus qu’une ressource de l’égoïsme, une convenance sociale, un esprit de conservation bien entendu. Cette charité, qui n’est plus que de l’habileté, n’est plus une vertu. Il faut qu’elle cède la place à la justice, aujourd’hui plus moralisante et plus puissante qu’elle. Il faut que le peuple tire aujourd’hui de son droit le soulagement qu’il tirait autrefois de la compassion. On verra si, pour l’amélioration de la destinée populaire, la justice n’est pas, autant et plus que la charité, capable de faire des merveilles.

Les classes ouvrières réunissent, dans les villes et dans les campagnes, toutes les aptitudes productrices ; elles ont pour elles le nombre et la force ; elles commencent à avoir la conscience de leur importance sociale. Il faut qu’elles aient pour elles la science, le droit, la justice, dans son sens le plus rigoureux ; il faut qu’elles s’élèvent à la notion de légalité, considérée comme principe d’action régulière, et qu’elles se rendent aptes surtout à la pratique de cette légalité, transformée en levier intellectuel et moral. À ces conditions, leur prépondérance est assurée ; à ces conditions, elles ne peuvent manquer d’avoir pour alliées toute cette partie active, capable, saine, de la bourgeoisie, qui relève aussi du travail plus que du capital, et toute cette classe de lettrés, d’artistes, de savants, qui vivent d’idées, inclinent naturellement au progrès, et forment encore aujourd’hui l’élite de la nation. Le jour où elles se placeront dans la loi, elles s’approprieront la loi, elles la domineront, elles la feront. La légiti-