camarades ! Ce qu’il y a eu de plus affligeant a été l’attitude de la masse ouvrière elle-même dans une occasion aussi décisive. Il a paru un contre-manifeste, signé de quatre-vingts ouvriers, protestant hautement contre la présomption des Soixante, déclarant que ceux-ci n’exprimaient nullement la pensée du peuple, leur reprochant de soulever mal à propos une question sociale quand il ne s’agissait que d’une question politique, de semer la division quand il fallait prêcher l’union, de rétablir la distinction des castes quand on ne devait s’occuper que de leur fusion, et concluant que, pour le moment, la seule conquête à poursuivre était la liberté. « Tant que nous n’aurons pas la liberté, disaient-ils, ne songeons qu’à la conquérir. » Je veux croire que ces ouvriers, en tant que citoyens et travailleurs, valaient les autres ; à coup sûr ils n’en avaient pas l’originalité, encore moins l’élan. Et l’on a pu juger, aux considérations sur lesquelles ils s’appuyaient, qu’ils ne faisaient que répéter les leçons de la Presse, du Temps et du Siècle. Aussi les félicitations de M. de Girardin et consorts ne leur ont pas manqué.
Le peuple français a des accès d’une humilité sans égale. Susceptible et vaniteux au delà de toute expression, il va, quand il se mêle de modération, jusqu’à l’abaissement. D’où vient donc que cette plèbe, si jalouse de sa souveraineté, si ardente à exercer ses droits électoraux, autour de laquelle tourbillonnent tant de candidats en habit noir, ses flagorneurs d’un moment, d’où vient, dis-je, qu’elle répugne si fort à produire ses hommes ? Quoi ! il existe dans la Démocratie ouvrière, et en bon nombre, des sujets instruits, capables de tenir la plume aussi bien que de manier la parole, connaissant