Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

publics ; mais quel est le caractère spécifique (le point de vue) de cette série ? quel rapport, soit de subordination, soit de hiérarchie, unit entre eux ces fonctionnaires ? Comment ces individualités forment-elles un tout, un organisme, un institut ? Quelques-uns de ces personnages sont les valets des autres ; d’autres cumulent des attributions qui devraient être séparées ; la plupart sont établis dans un but de répression, de despotisme et d’espionnage : je cherche des sentinelles armées pour la protection des personnes ; je ne découvre guère que des satellites du pouvoir. La série des officiers de police judiciaire est un monstre composé de membres arrachés à vingt cadavres : j’en conclus que notre police ne peut être utilement et régulièrement exercée ; qu’elle est tracassière, indiscrète, hostile à la liberté des citoyens, autant au moins qu’à l’industrie des vagabonds et malfaiteurs ; moins redoutable, enfin, à la corruption, au monopole, à l’agiotage, qu’au travail et aux mœurs.

293. Lorsque Condillac, résumant son traité de grammaire générale, s’exprime en ces termes :


« Il ne faut que des substantifs pour nommer tous les objets ;
« Il ne faut que des adjectifs pour exprimer toutes les qualités ;
« Il ne faut que des prépositions pour exprimer tous les rapports ;
« Il ne faut que le verbe être pour prononcer tous les jugements ; »


je puis, sans remonter à l’origine des langues et sans en dresser l’inventaire ; sans me perdre dans l’étymologie et les accidents de la dérivation ; sans m’informer si, par exemple, dans la première période du langage, le substantif et l’adjectif n’étaient pas le même vocable ; si le verbe être n’est point une création de la raison postérieure à l’organisation des idiomes primitifs ; si dans le verbe il ne faut pas considérer autre chose que l’existence : je puis, dis-je, reconnaître, à première vue, que la théorie de Condillac est vicieuse et son système grammatical formé d’éléments mal assortis.

Condillac, cherchant la série des éléments primordiaux du discours, a pris pour point de vue, d’un côté les choses (essences, qualités, rapports) ; de l’autre, la raison : c’est-à-dire, pour employer ici le langage de l’école, qu’il a procédé tout à la fois à parte rei et à parte mentis, en d’autres termes, qu’il a confondu l’objectif et le subjectif. Voici la figure :