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Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/24

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CHAPITRE PREMIER


LA RELIGION


§ I. — La Religion impuissante à découvrir l’ordre


24. La Religion est hostile à la science et au progrès : cette proposition, qu’on pourrait croire dictée par l’impiété et la haine, est presque un article de foi.

Autre chose est de croire, dit un théologien, autre chose de juger ce qui mérite créance : Aliud credere, aliud judicare esse credendum. Il veut dire que le premier est de l’homme, et le second de Dieu ou de l’autorité qu’il a divinement établie pour enseigner les hommes. — Quelle est la règle de la foi ? demande un autre. C’est de s’attacher à ce qui a été cru de tous, partout et toujours : Quod ab omnibus, quod ubique, quod semper.

Voilà bien, d’une part, la foi opposée au raisonnement ; de l’autre, l’immobilité dans la foi prescrite. Déjà l’on avait séparé le spirituel du temporel ; il ne restait plus qu’à le séparer du rationnel, et à faire de la science de l’homme, de la société, de Dieu même, une chose de tradition. Quand on est arrivé là, il faut mourir : on n’a plus rien à faire au monde et à dire aux hommes.

Mais ceci ne concerne que la morale et la théodicée (et ce n’est pas peu de chose, puisque la morale embrasse l’économie politique et la famille, et que la théodicée résulte des plus hautes conclusions de la métaphysique) : il faut montrer que l’antipathie de la religion pour la science est générale.

25. Quelques esprits d’élite se sont imaginé de nos jours qu’en fécondant par la science les restes encore palpitants du catholicisme, on opérerait une heureuse révolution dans la société, en même temps qu’on servirait la Religion. On a pu se convaincre de la profonde répugnance de celle-ci pour le mouvement et la pensée. Des chrétiens, trop prévoyants pour le repos de leur foi, offraient de mettre au service de la religion tout ce que nous avons acquis de science historique, économique, naturelle : — et le pape a désavoué M. de Lamennais, imposé silence à M. Bautain ; les théories progressives et tendancielles de M. Buchez donnent l’alarme aux feuilles catholiques ; M. de Genoude commence