comme la science des nombres, est une suite de propositions abstraites susceptibles de développement et de systématisation, indépendamment de la pratique : c’est une de ces sciences qu’on peut appeler mères et rectrices, parce que, comprenant dans leur généralité tout un ordre de faits, elles préexistent, pour ainsi dire, à ces mêmes faits qu’elles gouvernent, et peuvent être intellectuellement construites, sans attendre la sanction de l’expérience.
Donc, procédés de main-d’œuvre ou d’exécution, c’est la technographie, ou technique ; lois générales de la production et de la distribution des richesses, c’est l’Économie politique.
369. Tout ce qui est travail, fonction utile, est matière d’Économie politique. L’Économie politique embrasse donc dans sa sphère le gouvernement, aussi bien que le commerce et l’industrie. Par quelle étrange complaisance J.-B. Say, et tout récemment M. Chevalier lui-même, ont-ils pu dire que l’Économie politique doit s’abstenir de toucher aux choses d’administration et de gouvernement ; qu’elle n’est pas la Politique, mais la servante de la Politique ? C’est comme si l’on prétendait que la géométrie est la servante des arpenteurs.
Say lui-même a détruit vingt fois sa propre thèse : le labeur du magistrat, suivant lui, est un service utile, dont la rétribution est chose juste et légitime. Du gouvernement aux administrés, des administrés au gouvernement, tout est service réciproque, échange, salaire et remboursement ; dans le gouvernement, tout est direction, répartition, circulation, organisation : en quoi donc l’Économie exclurait-elle de son domaine le gouvernement ? Serait-ce pour la diversité du but ? Mais le gouvernement est la direction des forces sociales vers le bien-être ou l’utilité générale : or, le but de l’Économie politique n’est-il pas aussi le bien-être de tous, l’utilité, la justice ! n’entre-t-il pas dans ses attributions essentielles de distinguer ce qui est utile d’avec ce qui est improductif ? les économistes n’ont-ils pas été surnommés Utilitaires ?…
« L’Économie politique est la science de la production des richesses et de l’organisation du travail : donc elle ne se mêle pas de politique…. » Vraiment, en lisant cette singulière déclaration de MM. Say et Chevalier, on ne sait lequel admirer le plus, de la stupidité des gouvernants qui l’exigent, ou de l’amère ironie de ceux qui la font.
Je ne m’arrêterai pas davantage à réfuter les arguties plus ou moins sincères des économistes non politiques ; car c’est ainsi qu’il faut les appeler, malgré le nom propre de la science. Les faits que j’aurai à rapporter parleront plus haut que tous les raisonnements : on verra que les lois d’organisation du travail sont communes aux