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superposition dans les corps des séries artificielles aux séries naturelles (231, 232).

La conception économique du travail se trouve nécessairement impliquée dans le principe de Smith, que toute richesse vient du travail. En effet, si, par travail, on entendait seulement une application quelconque de l’activité humaine, on pourrait douter que le travail fût par lui-même producteur, plutôt que le sol et les capitaux. Le travail, abstraction faite des conditions d’intelligence, de matière convenable, et d’instruments appropriés à l’œuvre demandée, n’est qu’une peine stérile, un déploiement insignifiant de force, une consommation en pure perte de l’énergie vitale, enfin une vexation de la matière sans résultat. En ce sens, j’ai donc pu dire[1] que le travail, considéré en lui-même, était improductif, et que la production résultait synthétiquement de ces trois choses, le travail, la matière, l’instrument. L’erreur de Say a été d’attribuer à chacun des éléments de la production la capacité productive, trompé en cela par l’équivoque du mot produit, qui se dit également de la terre et de l’homme. Mais l’Économie politique est la science de la production humaine, non de la production terrestre : elle commence avec le travail de l’homme, après le travail du Créateur.

272. Le travail défini, reste à savoir quel est son mode de réalisation.

L’action de l’homme sur la matière n’a lieu qu’à l’aide d’un instrument matériel : quant à la force qui préside à la manœuvre, elle est aussi secrète, aussi inconnue que celle qui fait végéter les plantes, et peser les astres les uns sur les autres à des distances infinies. Ainsi partout l’être et la substance, la force et la vie, constamment manifestés, constamment se dérobent à notre perception, et ne nous laissent voir que des rapports et des lois, ici le phénomène se passe entre la force animique de l’homme et la matière inerte et passive : c’est, comme on l’a dit, la communion de l’homme et de la nature.

373. Le premier instrument employé par l’homme dans le travail est son corps, auquel il substitue bientôt des instruments factices, tirés de la matière sur laquelle il agit, et façonnés de ses mains.

Et comme en tout ordre de faits on découvre d’abord une ligne de démarcation entre l’homme et les autres animaux, de même ici l’homme se distingue de tous les êtres vivants par la faculté ou

  1. Qu’est-ce que la Propriété ? ch. iv.