ducteur œuvre composée et sériée ; bien plus, cette combinaison produirait une surveillance infatigable, universelle et réciproque, sans tyrannie et sans passe-droit, fraternelle et sévère, et qui permettrait d’apprécier avec la plus rigoureuse exactitude le travail de chaque associé. Là l’épargne, s’exerçant collectivement, ne s’arrêterait jamais, la formation des capitaux serait assurée ; là il y aurait liberté, égalité, solidarité et justice ; là rien ne se ferait sans la participation de tous : ce serait une miniature du gouvernement démocratique, pour lequel la France lutte depuis cinquante ans.
431. D’après cet exemple, on prévoit que la synthèse ou composition de la spécialité industrielle peut résulter de combinaisons très-diverses : soit que l’œuvre à laquelle s’est voué le travailleur embrasse des mois, des années, sa vie entière et la vie de plusieurs autres ; soit qu’elle se compose de professions hétérogènes, mais momentanément réunies ; soit enfin que, sans varier quant à la nature, elle change tous les jours (comme les modes) quant à la forme des produits. Certaines industries chôment pendant plusieurs mois de l’année, parce que leurs produits ne sont demandés qu’en une saison ; il faut trouver à ceux qui exercent ces industries temporaires des occupations qui remplissent le temps de chômage : or, cette espèce de cumul est tout à fois d’une extrême importance pour la production, et très-difficile à déterminer en théorie. La loi civile a reconnu l’incompatibilité de certaines fonctions, telles que, par exemple, celles de médecin et de pharmacien, de juge et d’arbitre, de notaire et de courtier : mais personne, que je sache, ne s’est occupé de la proposition inverse, savoir, de déterminer les fonctions qui, par leur nature, leur durée, la responsabilité qu’elles entraînent, etc., forment accord et série[1]. C’est là un problème du plus haut intérêt en économie politique, mais dont la solution, exigeant de longues études et une
- ↑ Fourier, nous devons le reconnaître, poursuivait cette idée lorsqu’il composait la série industrielle de groupes rivalisés et contrastés. Il fait voir à cette occasion que deux industries qui se ressemblent sont en rivalité et opposées d’intérêts ; tandis que deux industries qui n’ont rien de commun s’appellent et s’associent. Mais Fourier n’a pas tiré de ces faits les conclusions théoriques qu’ils portent avec eux : préoccupé de son attraction passionnelle, et spéculant à perte de vue sur la cabaliste et la papillonne, il s’est mis à créer des accords et des discords entre les travailleurs, à faire de la musique avec des fonctions industrielles, comme, dans une fête donnée par le roi de Prusse, on vit deux compagnies de grenadiers déguisés en pions exécuter une partie d’échecs au commandement de leurs capitaines. Comme toujours Fourier a gâté par l’étrangeté et la puérilité des détails une observation féconde et lumineuse.