hommes, délibérant tous les jours sur leurs affaires publiques et privées, d’exercer indivisiblement le pouvoir, qu’à un seul homme, roi de cent mille sujets, de remplir toutes les fonctions de son gouvernement.
Il faut donc centraliser et tout à la fois multiplier le souverain. Or, cette multiplication peut s’opérer de deux manières, qui toutes deux ont reçu d’éclatantes applications : 1o ou bien, selon la loi économique de division, spécialisation et série, par dédoublement ; 2o ou bien, selon le principe féodal, par fractionnement (416, 417).
492. Rien de plus trivial dans son exposé que la loi fondamentale de l’organisation politique ; rien de plus suranné que le principe de la division des pouvoirs ; et cependant rien, dans l’univers, dont la réalisation soit aussi lente et aussi laborieuse. Combien de siècles s’écoulèrent avant qu’une tribu humaine produisît, je ne dis pas un patriarche, vir gregis, mais un roi ? Nul ne saurait le dire : l’histoire commence pour chaque peuple à l’instant où, par l’érection de la royauté, la vertu organique se déclare : jusque-là il n’y a pour l’homme ni mouvement ni durée ; point d’idées, point de souvenirs. La société est à l’état d’embryon : elle ne rêve seulement pas.
L’organe centralisateur s’est-il enfin constitué, de longues périodes s’écouleront encore en tâtonnements. Dans ces vastes monarchies d’Égypte, de Perse, d’Assyrie, qui réunirent de si bonne heure, sous un même sceptre, d’innombrables tribus, la division de l’autorité n’existe que pour le pillage, ou s’évanouit en puérilités. À Babylone, les magistratures publiques, émanant du souverain, étaient ainsi divisées : il y avait un grand visir, un capitaine des gardes, un chef des eunuques, un chef des échansons ; des percepteurs, des magiciens et des historiographes ; enfin, des inspecteurs des terres. Les satrapes, comme les pachas, représentaient le sultan dans les provinces. Du reste, aucune distinction dans les pouvoirs, aucune limite imposée à l’arbitraire. Des vieillards, recommandables par la présomption de leur sagesse, veillaient sur les mœurs et la conduite des citoyens ; recherchaient, jugeaient, punissaient les délits et les crimes.
493. Aussi la fragilité de ces grands corps était extrême. Car, il ne faut pas s’y tromper, la force d’un État, abstraction faite de son étendue, ne consiste pas dans la multitude et la hiérarchie des employés ; elle est dans leur spécialité, leur indépendance, leur responsabilité, leur juste proportion ; elle est surtout dans l’origine nécessaire et naturelle de leur institut. Les monarchies orientales entretenaient autant de sinécuristes, de courtisans et