Page:Proudhon - De la création de l’ordre dans l’humanité.djvu/340

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d’imbécillité[1]. Jamais, en aucun pays, l’ordre n’a manqué absolument ; et certes, je le dis avec plus de sincérité que peut-être on ne le suppose, le spectacle de notre centralisation, de notre pondération des pouvoirs, de notre hiérarchie administrative, est admirable.

Pourquoi donc, chez les peuples anciens, la société, au lieu de se développer toujours, a-t-elle péri ? pourquoi souffre-t-elle encore chez les modernes ? pourquoi ne nous croyons-nous pas à bout de révolutions ? sinon parce que l’ordre social a toujours été factice ; parce que, chez les anciens comme chez nous, le système politique est objet d’art, non de science ; parce que notre civilisation est fondée sur le préjugé, et ne résulte pas des lois propres de l’homme ?

Sociétés religieuses, fondées sur le symbole ; sociétés guerrières, organisées pour la conquête ; sociétés communistes, négation de la liberté individuelle ; sociétés aristocratiques, négation de l’égalité civile ; sociétés hiérarchiques, établies sur la prééminence du capital, le mépris du travail et la subalternisation des charges : — Séries artificielles (232, 233), par conséquent systèmes anormaux ou transitoires.

500. Après la religion et la guerre, après la communauté et l’inégalité, il est une autre anomalie sociale que nous ne pouvons passer ici sous silence : je veux parler des tribunaux criminels. Ainsi que le crime et le délit qui les nécessitent et les excusent, les institutions répressives, organisées sur un mode artificiel, sont des faits de subversion ou plutôt de transition : la théorie des faits anormaux (308-314) va nous le démontrer.

Le drame judiciaire, tel qu’il se déroule aujourd’hui sous nos yeux après une longue suite de perfectionnements et de réformes, dont la plupart laissent encore à désirer, se divise naturellement en deux parties principales, l’instruction proprement dite, et les débats. À cela si l’on ajoute la peine, on a une véritable trilogie, dans le goût des tragédies grecques.

Les acteurs de ce drame, dans l’ordre de leur apparition sur la scène, sont : 1o le Commissaire de police, organe extérieur du ministère public, chargé de veiller à l’ordre de la cité, au repos et à la sûreté des habitants ; œil et oreille de la justice ; 2o le Procureur du roi, faculté sensitive de la police judiciaire, mise en éveil,

  1. Pie IX, se faisant réformateur politique et introduisant les idées libérales dans le gouvernement romain, semble avoir voulu faire mentir cette prophétie fatidique. Or la papauté a plus souffert en six mois du libéralisme du nouveau pontife qu’elle n’avait fait en trois siècles de l’immobilisme de ses prédécesseurs. Le catholicisme est condamné ! (Note de l’éditeur.)