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Le domaine du roi s’étendant à tout et ne se perdant pas par la prescription, nul ne peut, par contrat, industrie ou autrement, acquérir la propriété. Car ce serait un roi à côté du roi, c’est-à-dire un concurrent ou un usurpateur.

L’universalité du droit royal n’exista pas d’abord dans toute sa rigueur : il fallut même, sous les gouvernements les plus absolus, un long travail de la société pour faire jeter au principe monarchique toutes ses conséquences. Mais ce principe n’en impliquait pas moins souveraineté absolue sur les biens et les personnes ; et partout où il lui a été permis de se développer librement, il a toujours abouti à l’appropriation universelle. — Au reste, peu importe que la monarchie et la démocratie ne se soient jamais constituées dans leur forme pure ; il est même certain qu’elles ont toujours été l’une et l’autre mêlées d’éléments hétérogènes : ce que la science doit avant tout préciser, c’est ce qui est propre et essentiel à chacune d’elles.

518. De cette disposition monarchique résulta une différence marquée entre la condition du représentant royal et celle du magistrat républicain ; différence qui, à la vérité, gît moins dans le fond que dans la forme, mais qui, par là même, rendait la divergence des deux gouvernements plus profonde.

Quel qu’ait été, selon les temps et les lieux, le mode de distribution du pouvoir royal, le délégué du prince, exerçant pour lui une partie de l’action souveraine, et percevant en son nom les émoluments qui y étaient attachés, était, dans l’esprit de la monarchie, tenancier du roi, par conséquent son redevable. Ainsi, pour une terre, il dut payer une rente ; pour une justice (une justice était une exploitation très-productive par les amendes et les confiscations), des lettres patentes ; pour une gabelle, un fermage ; pour un métier, un brevet ou un privilége, etc.

Dans la république, au contraire, le magistrat, échangeant son titre d’homme privé contre celui d’homme public, au lieu de payer une redevance, fut lui-même salarié. Or, tout opposés que soient ces deux systèmes de rétribution, à ne les considérer qu’au point de vue du droit, ils sont en équation parfaite : seulement les rôles sont intervertis. Car, que le roi concède une charge moyennant redevance, ou que le suffrage des citoyens confère un office avec salaire, il y a toujours cela de commun que, la fonction étant un service utile, ce service doit être payé. Mais, dans le premier cas, le juge royal, exploitant à ses risques et périls la justice du roi, paye une rente ; dans le second, le magistrat, représentant un souverain qui ne se dessaisit pas, reçoit une indemnité.

Observons de plus que, selon les idées monarchiques, toute