fonction sociale étant une dépendance de la couronne, il y a tendance à multiplier les feudataires à l’infini, parce que cela augmente le nombre des créatures et la somme des revenus ; tandis que, selon les idées républicaines, toute propriété étant franche, toute industrie libre, tous les droits égaux, les frais du service public sont acquittés par cotisation, ce qui tend à réduire indéfiniment les offices. Ainsi, dans la monarchie, tout est inféodation et redevance ; dans la démocratie, tout est libre : le salaire n’existe que pour les magistrats et les manouvriers ; de plus, les emplois sont essentiellement révocables.
519. Les inconvénients de ces deux systèmes sont égaux. Le principe monarchique aboutit à l’aliénation, à l’insubordination et à la révolte ; ce qui détruit la centralisation et l’unité, objets de toute monarchie. La tendance démocratique produit l’incohérence et la rivalité ; ce qui est contraire au but de toute société. Au reste, les auteurs ont fait ressortir les abus de la vénalité des charges, de l’affermage des impôts, des priviléges industriels, etc., aussi bien que de l’amovibilité des magistrats, de la concurrence commerciale, et du défaut de centralisation : toutes ces questions sont épuisées.
520. Voici donc le problème de l’organisation des sociétés ramené pour la seconde fois (408) à une détermination du salaire : or, que dépose l’histoire sur cette question difficile, et qu’a produit jusqu’à ce jour le mouvement de l’Humanité ? La pratique des gouvernements sera-t-elle encore une fois d’accord avec les indications de la théorie ?
Comme il est dans la nature de tout être organisé d’éviter ce qui lui nuit et de s’assimiler ce qui le fait vivre, une sorte d’échange eut lieu entre la monarchie et la démocratie. Pour conserver la puissance directrice et l’autorité du commandement, la royauté convertit en emplois salariés (les uns révocables, les autres inamovibles) ses commissions féodales, déjà tombées pour la plupart en propriétés individuelles, et rendit ses agents responsables ; — la démocratie accepta cette même inamovibilité, et républicanisa tout ce qui lui parut susceptible de l’être. C’est ainsi que, depuis 1789, époque fameuse de cette transaction entre la monarchie et la démocratie, les fonctions judiciaires, auparavant appropriées et rétribuées par des épices, furent réunies au domaine public, déclarées inamovibles, et payées par le trésor. Une révolution analogue s’opéra dans l’armée et l’enseignement : les jeunes officiers n’achetèrent plus leurs brevets ; les professeurs de facultés jouirent, comme les juges, de l’inamovibilité ; une foule d’employés de toute sorte, soumis à certaines conditions d’avancement,