losophe, ou si, spéculant sur l’impuissance des tentatives, il a voulu exploiter le scepticisme aux dépens de la liberté, comme naguère aux dépens de la science sociale il exploitait l’indifférence politique ! L’académie des sciences morales et politiques continuerait-elle la conspiration des sophistes ?… L’exposé des motifs de son jugement nous l’apprendra.
La tâche offerte aux méditations des jeunes philosophes est épineuse, non par la difficulté du problème à résoudre : cette solution est faite ; — mais par l’incapacité, pour ainsi dire invincible, du jury. Il s’agit, en effet, de rendre intelligibles, à des hommes vieillis dans la sophistique et dans la foi, les propositions suivantes :
586. Et d’abord, pour donner une théorie complète de la vérité et de ses fondements, il n’était pas nécessaire, comme l’a dit un spirituel critique, de réunir à soi seul Pascal, Leibnitz ; Malebranche et Descartes. La théorie du vrai constitue une science dont les éléments pouvaient être aperçus et combinés par un esprit médiocre, bien que les limites n’en doivent jamais être atteintes.
Cette première observation, la philosophie, prétentieuse et guindée, ne la pouvait faire.
587. En second lieu, les sciences mathématiques semblent seules, jusqu’à ce jour, avoir le caractère de la certitude, et par là elles s’isolent de toutes les autres connaissances, sur lesquelles plane un doute irrémédiable. Or, cet isolement des mathématiques est lui-même quelque chose de mystérieux, d’incompréhensible, qui les ramène sous l’empire du doute. L’esprit, dit-on, n’est sûr de rien, si ce n’est des vérités mathématiques ; mais, précisément parce qu’il n’est sûr que de cela, l’esprit doit douter encore des vérités mathématiques. Car, ainsi que nous l’avons fait voir (339 et suiv.), l’unité ne se comprend que par la série, c’est-à-dire, que ce qui n’a de rapport avec rien est inintelligible. Les apparences mathématiques, sans rapport avec les autres apparences de l’esprit, sont donc aussi inintelligibles. C’est ce qu’ont profondément senti tous les grands sceptiques ; mais sans qu’ils aient pu, comme nous venons de faire, en donner la raison ; parce que, s’ils avaient connu cette raison, ils eussent connu la loi sérielle, ils eussent connu ce qui fait le caractère de la certitude, et leur doute se fût dissipé à l’instant.
La réduction des mathématiques, au nombre des connaissances douteuses, était nécessaire à la solution du problème de la certitude : or, la philosophie ne pouvait non plus opérer cette réduction.