inconnues, l’on continuera de dire un esprit philosophique, une pensée religieuse. Mais on cessera de prendre pour des réalités la Religion et la Philosophie.
Sans la Religion, l’humanité eût péri dans l’origine ; sans la Philosophie elle croupissait dans une éternelle enfance : mais l’opinion que Religion et Philosophie signifient autre chose qu’un état particulier de la conscience et de l’entendement, a été la plus grande maladie de l’esprit humain. La Religion et la Philosophie, conçues, la première comme révélation de dogmes divins, la seconde, comme science des causes, ont rempli le monde de fanatiques et d’hallucinés, dont les fureurs et les ridicules ont fait douter si le monde n’était point l’œuvre d’un Dieu paillasse ou anthropophage.
Toujours un peu de philosophie s’est mêlé à la Religion ; toujours un souffle de religion a pénétré la Philosophie. Le christianisme fut une religion philosophique, la plus philosophique des religions : Confucius, Platon, Paul apôtre, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, ont été des philosophes religieux. Leurs écrits sont immortels : mais de toutes les choses qu’il nous importait le plus de savoir, et dont ils ont parlé quelquefois avec une si grande éloquence, Dieu et la société, ils n’ont rien su, ils ne nous ont rien appris : et le mélange de qualités contraires que nous remarquons en eux a été sans fruit pour la science.
Quelle est donc l’illusion de ceux qui maintenant parlent d’unir, comme deux réalités, la Philosophie et la Religion ? La théologie est tombée, la sophistique est frappée à mort : il n’y a plus de religion, il n’y a point de philosophie.