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vaient l’irritation populaire, plus d’une fois l’Église fut traitée de prostituée de Babylone ; mais ces reproches ne tombant que sur le personnel, le matériel, je veux dire, la foi, n’était pas atteint. La libre critique ne s’éleva guère plus haut ; c’est ainsi qu’on a vu dans ces dernières années les écoles socialistes invoquer pour leur justification, à l’exemple des Albigeois et des Vaudois, la morale de l’Évangile, accusant seulement l’Église de l’avoir oubliée et d’y être infidèle.

Et c’est ce qui explique comment la société chrétienne put avoir des mœurs, de même que la société païenne en avait eu ; comment jusqu’au sein de l’Église il se produisit des caractères dont quelques-uns, survivant dans la mémoire des hommes à la foi qu’ils servirent, resteront grands devant la postérité.

Mais une doctrine qui viole l’humanité ne pouvait éternellement posséder l’humanité.

L’histoire des conciles n’est autre que celle des corruptions de l’Église ; l’histoire des hérésies, celle des révoltes soulevées par ces corruptions. Sans cesse l’Église est occupée à défendre son dogme et à rétablir sa discipline, sans s’apercevoir jamais que ce qui entretient le péché, c’est la discipline ; ce qui provoque l’hérésie, l’immoralité du dogme.

Dès le premier siècle, la corruption est partout : sur sept Églises, l’Apocalypse en compte au plus deux de saines.

Du deuxième au quatrième siècle, la corruption augmente encore : elle suscite les hérésies rigoristes de Marcion, de Cerdon et de Tertullien.

La persécution de Dioclétien retrempe la chrétienté dépravée : après Constantin, la dissolution devient son état normal jusqu’à Grégoire VII.

La période des croisades, de l’an 1077 à l’an 1300, est