Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/169

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la plus pure de l’Église. Mais la corruption recommence à Boniface VIII, et, malgré la Réforme, malgré la Révolution, ne finit plus…

Grâce à l’opinion qui fait de l’Évangile le code de la morale et de l’Église son interprète, le christianisme continue de vivre ; mais la raison des peuples se déprave, et perd jusqu’au sentiment de la dignité humaine, principe de toute Justice et de toute morale.

L’un des plus récents apologistes du christianisme, M. Auguste Nicolas, fait en ces termes le parallèle de la morale païenne et de la morale chrétienne, en ce qui touche les qualités de l’homme et du citoyen. On peut juger, d’après cet inventaire, du progrès que l’humanité doit au christianisme.

« Chez les anciens, la fierté d’âme, le courage bouillant, le ressentiment implacable, impiger, iracundus, inexorabilis, acer, tel est le portrait d’un héros, d’Achille. — L’ambition honorée dans la personne d’Alexandre ; l’assassinat politique, dans Brutus ; le suicide, dans Caton ; le patriotisme qui sacrifiait l’humanité à la patrie ; l’amour de la gloire qui sacrifiait la patrie à l’individu ; l’amitié, sentiment exclusif, quand il n’était pas criminel et monstrueux : voilà ce qui passait pour vertu chez les anciens. »

Ce portrait est tracé avec une intention évidente de dénigrement, et le parti pris de faire briller le chrétien aux dépens du polythéiste. Je m’en contente cependant. Prenons l’homme de l’antiquité tel que M. Nicolas nous le présente, avec ses vertus et ses vices, et réduisons le tout à son expression la plus simple : que trouvons-nous au fond du creuset ? Le latin l’a nommé : l’Homme digne.

« Sous le christianisme, continue M. Nicolas, nous voyons fleurir le sacrifice, l’humilité, la mortification, le détachement, la résignation, le repentir, le pardon des injures, la pauvreté volontaire, la continence, l’amour des ennemis, le zèle de la foi, la foi, l’espérance, la charité. — Il fut un temps, dit M. Ni-