Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/170

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colas, où toutes ces vertus, qui font le bonheur de l’humanité, n’avaient pas même un nom dans les langues. »

Acceptons ce tableau, tout flatté qu’il soit ; prenons le chrétien tel qu’on vient de le faire, avec son cortège de vertus auxquelles ne se mêle pas un vice, et résumons le tout en une simple formule : que reste-t-il ? le moyen âge a trouvé le mot : le Bon homme.

L’Homme digne, puis le Bon homme, voilà en quatre mots le chemin que la religion a fait faire, en quatre mille ans, à l’humanité.

À quand l’homme juste ?…

XXIV

Que fait cependant l’Église ? quelles pensées l’occupent au milieu de cette immoralité toujours renaissante ?

Avec une gravité imperturbable, l’Église affirme son dogme ; elle l’explique, le développe, accusant l’esprit et la chair, travaillant de son mieux à les broyer l’un et l’autre sous sa discipline.

La religion enseignant d’une part la sainteté infinie et inaltérable de l’Être divin, de l’autre la corruption innée, permanente et indélébile de l’être humain, n’admettant pas plus de cessation pour celle-ci que de restriction pour celle-là, il s’ensuit que la vendetta exercée au nom du Dieu trois fois saint pour une coulpe ineffaçable doit durer autant que la vie du sujet, autant que l’humanité. L’affreux talion ne s’arrête pas même à la mort ; il se perpétue pour les infidèles par l’enfer, et ne finit pour les âmes élues qu’à leur sortie du Purgatoire, à ce moment de l’existence ultramondaine où l’inviolable Majesté enfin satisfaite dit à l’âme purifiée : Entre dans la joie de ton souverain, Intra in gaudium domini tui.

L’état moral dans ce système n’est pas de ce monde : c’est le privilége des saints que le sang du Christ a rédimés,