Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/216

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Considérez, Monseigneur, quel doute fait planer sur la vérité du christianisme et sur sa morale cette question du paupérisme, et combien, en attendant la solution de ce doute, la position de l’Église est fausse ! Elle ne peut pas, d’un cœur sincère et d’une volonté efficace, souhaiter la fin du paupérisme et du crime ; elle ne peut pas vouloir en ce monde le bonheur de ses enfants. Elle semble vouée par son dogme à l’odieuse mission de combattre comme impies toutes les tentatives pour l’abolition de la misère ; en sorte que, tout en se donnant l’apparence de protéger le pauvre et de tonner contre l’égoïsme du riche, elle n’existe en réalité que pour défendre le privilége de celui-ci contre le désespoir de celui-là !...

Si c’est là une exagération de controversiste, ou l’expression pure des sentiments de l’Église et de sa pratique séculaire, la discussion dans laquelle nous allons entrer nous l’apprendra. Mais avant d’aller plus loin, tâchons de préciser nos idées.

IV

Le problème de la répartition des biens, ou plus généralement le problème économique, relève évidemment de la Justice. Toute jouissance, en effet, suppose une appropriation. Toute appropriation suppose une communauté, positive ou négative, à laquelle cette appropriation déroge, mais qui l’autorise et la garantit. Donc toute question relative aux biens doit être résolue par le droit.

Mais ici la question se pose en termes tels qu’au premier abord elle paraît insoluble.

Nous savons ce qu’est en soi la Justice ; on peut en ramener la définition à cette formule à la fois impérative et coërcitive : Respecte ton prochain comme toi-même, alors même que tu ne pourrais l’aimer ; et ne souffre pas qu’on lui manque, non plus qu’à toi-même, de respect.

Ainsi déterminée la Justice est essentiellement sub-