Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/235

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circoncellions sont dénoncés comme partageux et anarchistes à Constantin, qui les extermine. Sans doute, et je veux le croire, ces misérables prenaient de travers la parole du Messie, dont l’empire n’était pas de l’espèce césarienne. Mais pourquoi ne les avoir pas prévenus que la loi des XII tables faisait partie du Nouveau Testament ; qu’Appius Clodius avait été un précurseur du Christ, aussi bien que Moïse, Élie et Jean-Baptiste ; que Papinien, Ulpien, Modestin et tous les membres du conseil d’État de Septime-Sévère, le rude persécuteur, devaient être considérés comme des pères de l’Église, ni plus ni moins que Tertullien et Origène ?

Que fut, au moyen âge, l’hérésie des Albigeois, et plus tard de toutes ces multitudes, dirai-je fanatiques ou faméliques ? qui remplirent la France, l’Italie, la Bohème ? Une protestation contre le droit féodal. — Cela n’est pas dans l’Évangile, s’écriaient-elles ; cela ne peut pas y être. Il doit y avoir, pour les chrétiens régénérés, une autre morale. — Qui prit alors la défense du privilége menacé ? qui prêcha la croisade ? qui lança l’excommunication ? qui alluma le bûcher ? L’Église, solidaire et participante de la féodalité ; l’Église, pour qui le principe de l’inégalité des conditions et des fortunes était devenu un article de foi ; l’Église, enfin, qui à défaut de justice positive avait dû se faire des institutions du péché originel une discipline, et qui se trouvait alors dans la nécessité de défendre ces institutions, malgré leur impure origine, à l’égal des mystères de la Trinité et de la Rédemption. Les hérétiques brûlés, les inquisiteurs ne se firent faute de confisquer leurs biens : toujours, dans l’Église, la spoliation a suivi le supplice. C’est ainsi que le Testament du Christ se résolvait en un pacte inutile et frustratoire, pour les populations malheureuses qu’il avait séduites par de décevantes promesses.