Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/269

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mière nécessité ; mais pour l’évêque, quelle édification !

Je cite le fait suivant d’après un journal grave :

« La reine d’Espagne Isabelle II a envoyé au pape une tiare estimée 400,000 fr. Le pape lui a expédié en retour le corps de saint Félix, martyr, lequel a été ramené en Espagne par l’archevêque de Tolède, et déposé solennellement dans la chapelle du palais d’Aranjuez. »

Tandis que le ministère espagnol vend les biens de l’Église, la reine proteste de son dévouement à l’Église, et fait cadeau d’une tiare au Pape ; la chère dame tient à dégager sa cause de celle de ses sujets. Il y a soixante et cinq ans, cela aurait passé, en France, pour trahison ; mais ce n’est pas de quoi il s’agit. Le pape, un vieux moine exténué d’austérités, qui fait son repas d’un œuf à la coque et ne boit que de l’eau, le pape porte sur son bonnet trois couronnes. Voilà le symbole de la félicité chrétienne et de l’économie cléricale.

Et toutes ces prodigalités, tout cet orgueil, marié à tout ce dénûment, afin que les Chateaubriand de l’avenir, témoins de quelque nouveau 93, écrivent des lamentations en prose poétique sur le génie chrétien, le style ogival, le son des cloches, le gâteau des rois, la procession de la Fête-Dieu, et le pauvre vicaire de campagne, cheminant à minuit par la bruyère, le sacrement dans les mains, vers le paysan moribond qui attend son Dieu sur la feuillée, pendant que sa vieille épouse lui récite les prières des agonisants ! Ô bavards !…

XVIII

Je me résume.

Le christianisme venant réformer la société, ses chefs durent comprendre que la réforme devait porter autant sur les conditions de fortune que sur la liberté des personnes. Les deux termes étaient corrélatifs, le courant de l’opinion y poussait, l’Évangile sans cela eût été boiteux.