Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/277

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moralité qui se déroule proportionnellement à l’effet économique obtenu, en sorte que la société semble reposer sur cette dualité fatale et indissoluble, richesse et dépravation. Et comme les économistes démontrent en outre que la Justice est elle-même une puissance économique, que partout où la Justice est violée, soit par l’esclavage, soit par le despotisme, soit par le manque de sécurité, etc., la production est atteinte, la richesse diminue, et la barbarie se remontre, il s’ensuit que l’économie politique, c’est-à-dire la société tout entière, est en contradiction avec elle-même, ce que Rossi n’avait point aperçu, ou que peut-être il n’avait osé dire.

Devant cette antinomie, dont vous trouverez l’exposition largement détaillée dans mes Contradictions économiques, quel parti prend le monde savant et officiel ?

Les uns, disciples à outrance de Malthus, se prononcent bravement contre la Justice. Avant tout, ils demandent, coûte que coûte, la richesse, dont ils espèrent avoir leur part ; ils font bon marché de la vie, de la liberté, de l’intelligence des masses. Sous prétexte que telle est la loi économique, qu’ainsi le veut la fatalité des choses, ils sacrifient, sans nul remords, l’humanité à Mammon. C’est par là que s’est signalée, dans sa lutte contre le socialisme, l’école économiste : que ce soit son crime et sa honte devant l’histoire !

Les autres reculent effrayés devant le mouvement économique, et se retournent avec angoisse vers les temps de la simplicité industrielle, de la filature domestique, et du four banal : ils se font rétrogrades.

Ici encore je crois être le premier qui, avec une pleine intelligence du phénomène, ait osé soutenir que la Justice et l’économie devaient, non pas se limiter l’une l’autre, se faire de vaines concessions, ce qui n’aboutirait qu’à une mutilation réciproque et n’avancerait rien, mais se